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Wyatt - 10 batteurs - Best - N° 38 - septembre 1971
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Génial drummer s'il en est, Wyatt est servi par une technique colossale et une imagination délirante (cette phrase est décidément un merveilleux poncif journalistique). Son style compliqué, beaucoup moins accessible que celui de Baker, est fouilléà l'extrême et pourtant toujours clair et net. On pourrait le comparer à Hiseman, pour son sens de la mélodie et son inspiration jazzistique, mais autant Hiseman est styliste, autant Wyatt est hard, et d'une violence parfois paroxystique (pas mal tourné, ça).
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Son jeu est unique car il a fait une formidable synthèse entre le jazz, le rock, ses idées personnelles, le tout superbement emballé, sans un défaut ou trou quelconque.
Je préfère parler des premiers disques du Soft Machine, car ils semblent s'orienter de plus en plus vers le jazz, et je crois que l'apport de Wyatt a été bien plus grand quand il jouait le rock (car il jouait du rock, parfaitement, il le dit lui-même sur la pochette du premier Soft : « l'm only a rock'n roll drummer»).
C'est exactement le batteur qu'il fallait au Soft et à son style si particulier. En effet, la musique du-Soft (des premiers albums) est un rock très sophistiqué. Sur des bases de rock, ils greffent des formes fantastiques, des soli éblouissants ; les morceaux s'emboîtent à la faveur d'un break, d'une reprise toujours soigneusement pensée, l'esthétisme est toujours présent, la folie également et la virtuosité personnelle sans cesse sollicitée. Wyatt est à la hauteur de son rôle, énorme, superbe et généreux ; sa crinière blondasse cachant sa face grimaçante, secouée au rythme des pulsations qu'il déchaîne, par-dessus les délires de Ratledge et les vrombissements d'Hopper.
On ne peut pas dire qu'il soit le meilleur batteur du monde. Aucun n'est vraiment le meilleur, et si je préfère Baker aux autres, c'est pour une simple question de goûts, il n'est pas le meilleur, disais-je, mais son apport à la musique le classe, sans hésitations pour personne — j'espère —, parmi les plus grands génies, aussi bien en pop qu'en jazz (ce qui n'est pas le cas de Baker).
Son drumming est étonnamment spectaculaire, bourré de roulements de charpies de cymbales, toujours plus fort. Ses rythmes ne sont pas moins sublimes : partant d'un rythme de rock très classique, il introduit ses idées, sa folie inventive et produit une trame rythmique sans bavures, exubérante quand il le faut ou remarquablement belle et pleine de finesse dans les passages calmes de la musique. Ecoutez le merveilleux « Joy of a toy », certainement le plus beau solo de basse que j'ai eu la chance d'écouter. Dans « So Boot if at all », il prend un solo qui ridiculise 80 % de la production solistique, tout est là, la technique éblouissante, l'inspiration géniale, etc.
Comme tous ces qualificatifs paraissent fades, cent fois ressassés ; écoutez plutôt ce solo, ce tourbillon irrésistible, ce Gulf-Stream qui vous laissera coi. Après vous rigolerez un bon coup en passant « Rat salad » ou autre merdouille visqueuse.
Wyatt, c'est un condensé habile de Hiseman et Moon... un grand, quoi... Nous pouvons ajouter à son immense talent à la batterie, ses qualités de chanteur. Sa voix est elle aussi unique en pop, très haut perchée mais sans aucune résonance, qui ajoute encore à la curieuse atmosphère créée par Soft Machine.
Jojo Starking
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