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Trois vies puissantes - Libération - 1er et 2 novembre 2014
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TROIS VIES PUISSANTES |
Marcus O’Dair passe en revue l’enfance et les carrières du musicien britannique.
par Sophian Fanen
Robert Wyatt, 69 ans - Photo : Renaud Monfourny
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Les ouvrages consacrés à Robert Wyatt sont bien trop rares. A peine un petit livre de rencontres signé Jean-François Drean et Philippe Thieyre (2009) et une bio succincte, Faux Mouvements (1998). La somme - pas encore traduite de l’anglais - que vient de publier le Britannique Marcus O’Dair, professeur de musique populaire à l’université du Middlesex à Londres, est donc doublement la bienvenue pour éclairer la carrière faussement paisible d’un musicien qui a vécu trois vies.
Voyage.
Une compilation en deux disques, également préparée par O'Dair, viendra mettre ce voyage en sons le 17 novembre chez Domino, non pas sous la forme d'un best-of, mais plutôt d'un fil chronologique, depuis ses premiers morceaux avec Soft Machine et Matching Mole, puis ses compositions en solo et ses collaborations à 360 degrés avec le monde du jazz (Anja Garbarek), du rock (Phil Manzanera), et de la pop (Björk, Hot Chip). Marcus O'Dair relate donc in extenso les vies de Robert Wyatt, 69 ans aujourd'hui, dans une forme qu'on aurait souvent aimé plus distanciée et critique.
On découvre surtout la jeunesse de Robert Ellidge, qui prendra le nom de sa mère pour monter sur scène. Il s’en est peu ouvert, mais son enfance passée dans une maison progressiste et ouverte aux musiciens de passage, dont l’Australien Daevid Allen, personnage central du rock expérimental des années 70, explique beaucoup de sa liberté de pensée. Gamin doué touché par tous les arts, le jeune Wyatt finira même par rendre visite à Georges Braque dans son atelier parisien. Simplement parce que c’était le genre de choses que l’on faisait dans la famille.
La deuxième vie de Robert Wyatt est celle du musicien excessif, qui connaît tôt le succès comme batteur et chanteur de Soft Machine, un groupe qui fut un temps l'égal de Pink Floyd dans le monde psychédélique, avant de s'en faire virer parce qu'il n'avait «pas le niveau». Mais Marcus O'Dair fait bien comprendre que ce sont les abus alcoolisés de Wyatt qui l'ont isolé. Deux ans plus tard, c'est cette même façon de se bourrer «jusqu'à délirer» qui le jettera du quatrième étage d'un immeuble de Londres, le 1er juin 1973.
Aquatique.
La colonne vertébrale brisée, il se découvre alors une nouvelle philosophie : inventer sa nouvelle musique à partir de moyens désormais réduits. C'est sa troisième vie, riche de 11 albums d'une pop aquatique et délicate nourrie de jazz. Un monde unique, d'une sérénité remarquable, que l'on comprend un peu mieux en ayant refermé cette biographie nécessaire.
«Different Everytime» de Marcus O’Dair, éd. Serpent’s Tail (anglais), 27 €.
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