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 Le "Soft Machine" au Théâtre 140 - Le Soir - 16 janvier 1971


LE "SOFT MACHINE" AU THÉÂTRE 140








Une première partie « molle », une seconde étincelante


Ils étaient quatre. On en attendait trois. Le quatrième, à vrai dire, n'a nullement dépareillé le « Soft Machine », dont le premier concert, jeudi soir, au Théâtre 140, devant une salle pleine à ras bord de « connaisseurs », en aura déconcerté plus d'un.

II s'appelle Elton Dean et pratique le sax-alto avec une virtuosité étonnante qui, plus d'une fois, fait penser à Coltrane. A vrai dire, le concert du « Soft Machine » (machine molle), dont les musiciens ont, rappelons-le pour la petite histoire, emprunté leur nom à un roman de l'auteur américain William Burroughs, se composait de deux parties distinctes. Un premier morceau « Slightly all the Time », d'une durée de quarante minutes, nous a paru terne et fastidieux dans la mesure où la démarche intellectuelle ne débouchait sur aucune communication spontanée.

On eut droit à des élaborations raffinées, ponctuées parfois d'envolées, mais dont l'impact demeurait le plus souvent assujetti à fin style de free jazz, somnolent et souvent ennuyeux. Quarante minutes subies, plus que vécues, où l'ombre de Miles Davis venait, de-ci de-là, planer sur l'assistance sans cependant lui insuffler une âme. Et tout compte fait, l'observateur, devant cet afflux d'atonalité souvent gratuite, se mettait à regretter, qu'un groupe aussi important en vienne à se prendre tellement au sérieux. Mais peut-être n'était-ce là qu'un préambule, un échauffement, une mise en garde? On avait raison.

La deuxième partie fut de toute beauté. Robert Wyatt (batterie), Mike Ratledge (orgue + piano électrique), et Hugh Hopper (guitare basse) : s'unirent pour enfin donner à leur musique l'influx qui leur avait fait tellement défaut lors des premiers échanges. C'est ainsi qu'en procédant par longs solis flamboyants, étirant les thèmes, les cassant, les broyant, le quatuor s'envola vers des sommets d'une véhémence et d'une beauté insoupçonnables. C'était une juste récompense.

On eut droit à un long morceau inédit, pendant lequel Elton Dean se révéla un authentique adjuvant au trio. Ceux qui avaient fait l'effort trouvaient enfin leur récompense. Robert Wyatt atteignit un raffinement exceptionnel dans ses soutiens, de même que Hugh Hopper, dont on pouvait enfin apprécier toute la chaleur mêlée à une science de l'élaboration électrique. Quant à Mike Ratledge, ses échanges harmoniques - d'homme à homme - avec Dean, nous prouvèrent une fois encore toute la somptuosité de son doigté.

Il n'en fallait pas moins pour sombrer dans l'ouate lumineuse que, tel un piège, le « Soft Machine » ouvrait sous les pieds. On l'y suivit sans regrets.


André DROSSART.




>> L'article sur le site des Archives du Théâtre 104

       
     
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