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 L'essentiel Robert Wyatt - Crystal Infos - N° 14 - Printemps 1997



 
 
 
Né en 1945, Robert Wyatt apprend le violon et la trompette à l'école, puis le piano et opte pour la batterie. Sa mère s'intéresse à Monteverdi et son père à Prokofiev, Britten, Fats Waller, Duke Ellington, Cage ou Satie... À dix ans, il flashe sur Ascenseur pour l'Échafaud et surtout pour la musique de Miles Davis.

En 1962, il rentre à l'école des Beaux Arts de Canterbury, se met à la peinture et écoute beaucoup de disques de jazz et de rock& roll. Il rencontre Daevid Allen et Hugh Hopper avec lesquels il bricole des bandes magnétiques. Ils fondent Wilde Flowers où passeront également plusieurs musiciens de Caravan. Kevin Ayers les rejoint un peu plus tard ainsi que Mike Ratledge.

En 1967, le groupe nommé Soft Machine tourne dans les mêmes circuits que Pink Floyd, notamment dans le club légendaire de l'UFO. Ils enregistrent un single Love Makes Sweet Music avec Kim Fowley et Jimi Hendrix aux sessions. Andy Summers les rejoint pendant une période...

À l'inverse de Pink Floyd qui opte pour le planant, Soft Machine veut mélanger toutes les influences de l'époque pour faire sa musique. Du contemporain via Schoenberg au surréalisme et au dadaïsme, du jazz à la musique répétitive, de la pop aux expérimentations sur les nouvelles technologies en passant par le psychédélisme anglais. Cette musique qualifiée d'intellectuelle dans l'univers blues rock de l'époque est en fait celle d'où va naître le rock progressif. Mais elle n'entre pas encore dans un format existant car la pop n'offre pas la musicalité du jazz que souhaitent les musiciens et le jazz est trop aride pour les mélodies de Wyatt et Ayers. Elle est aussi plus aventureuse que celle qui sera son héritière.

En 1968, Soft Machine est composé de Robert Wyatt (percussions, chant), Mike Ratledge (claviers), Kevin Ayers (guitare et chant). Leur premier slogan publicitaire est "Nourririez-vous votre fille à la machine molle ? ".

 

Soft Machine

Soft Machine 1 (1968)
Soft Machine 2 (1969)
 
Dès le premier disque, le groupe joue du rock dans un esprit free jazz, mélangeant les pop songs de Ayers avec les délires de percussions de Wyatt et d'orgue trafiqué de Mike Ratledge, la référence sonore de nombreux groupes qui viendront ensuite dans le courant progressif dit de "l'école de Canterbury". L'aventure du jazz et de la poésie se coule dans les couleurs et les timbres du rock. Robert Wyatt utilise sa voix comme un instrument à vent, une voix lunaire et fragile, profondément blanche qui peut être très énergique ["Save Yourself") ou habiller des slows langoureux ("A Certain Kind").

Le second disque, plus homogène, développe cette nouveauté sur deux longues suites, sans s'embourber à aucun moment, enchaînant sans répit les instrumentaux d'orgue et de piano, l'ensemble étant soutenu avec efficacité par des percussions inventives et une basse ronflante (Hugh Hopper, qui remplace Kevin Ayers). Changements de rythmes, récitations "pataphysiques" ou dada, arrangements non conventionnels et folie contrôlée... Forte influence de Robert Wyatt qui chante l'alphabet pour... un grand voyage bourré d'idées et d'énergie qui est l'œuvre de Wyatt, un musicien bouillonnant, à l'inverse de Ratledge et Hopper qui sont plus cérébraux. Sa folie inventive lui vaudra à l'époque, de la part du collège de pataphysique, d'être admis à l'ordre de la Grande Gidouille.

 




Third (1970)
The Peel Sessions(1990)
 
Pour Third, la musique se discipline en quatre longues plages qui s'ouvrent sur l'improvisation live la plus contemporaine qu'ait connu l'orgue Hammond. Le public rock découvre Terry Riley grâce aux boucles d'orgue de Ratledge qui débouchent sur un rock jazz chaleureux et non démonstratif. Le saxophone de Elton Dean n'est pas encore free et la basse de Hugh Hopper réchauffe les séquences de piano. Mais le chef d'œuvre incontestable, un sommet de poésie planante, c'est "Moon in June", la plage de Robert Wyatt. La première partie de ce titre a été enregistrée en novembre 1968, avant la sortie du deuxième album, par Robert Wyatt seul qui y joue des claviers, des percussions et qui chante. La seconde a été enregistrée avec le trio au printemps 1969 mais c'est Robert Wyatt qui y manipule seul les bandes passées à l'envers qui sont sur le final.

Épopée vocale sur soli d'orgue et caresses de guitare basse ronflante qui revient d'un autre monde... L'orgue crée un message de dentelle morse, d'ondes courtes pour jouer avec la voix de Wyatt sans l'accompagner mais en la poussant toujours plus loin. Piano "à la Satie", mélodie fragile et lunaire... Les atmosphères éthérées puis un riff rock et un solo jazzy d'orgue traité avec une distorsion. L'ensemble s'éteint, sur des bandes à l'envers, des sons accélérés et des effets de voix.
Vingt-cinq ans plus tard, ce titre est encore plus fort et rend assez inutile une bonne partie de la discothèque accumulée depuis.

On retrouve une version différente de "Moon in June" sur le live Peel Sessions (enregistré en 1970). Les paroles y sont improvisées pour la circonstance autour de l'épopée des musiciens de la famille Soft et de Pink Floyd et les musiciens sont là pour apporter leurs variations dans la version originale. Les parties d'orgue et de piano de Ratledge sont ainsi différentes de celles de l'original jouées par Wyatt lui-même.

Les deux premiers Soft et "Moon in June" sont la conception de Wyatt.


Matching Mole
Robert Wyatt quitte Soft Machine après le quatrième album où il ne chante déjà plus. On le repère avec Syd Barett, Brian Eno, Phil Manzanera, Keith Tippett et son super groupe Centipede, Carla Bley, Nick Mason... Il fonde Matching Mole (nom choisi pour sa phonétique française proche de la "machine molle") avec David Sinclair (Caravan) au piano et à l'orgue et Dave Mac Rae au piano électrique, Phil Miller à la guitare et Bill Mc Cormick à la basse.
 
Matching Mole (1972)
Matching Mole's Little Red Record (1972)
 
Les deux albums du groupe sont le prolongement de "Moon in June".

De nouveau, sur Matching Mole, les atmosphères lunaires où basse et voix se perdent dans l'écho, où les love songs au mellotron ("O Caroline") et les ballades côtoient des instrumentaux aux soli d'orgue ciselés par Sinclair dans des fuites de piano électrique de Dave Mac Rae ("Part of the Dance", "Instant Kitten") et la guitare frippienne de Phil Miller... Wyatt chante merveilleusement avec ses textes bizarres notamment sur "Signed Curtain" dont les paroles commentent la structure du morceau : "C'est le premier couplet, c'est le refrain, voici le changement de clé ou peut-être le pont... ". Il achève lui-même l'album par de longues plages au mellotron contemporain qui préfigurent déjà Jasun Martz.

Little Red Record, produit par Robert Fripp et avec Brian Eno invité au synthétiseur VCS 3 est plus instrumental. Dave Mac Rae tient tous les claviers et il est très inventif au piano électrique, le plus souvent traité, trituré, pour s'identifier à la guitare de Phil Miller qui joue merveilleusement. Expérimental et rock, alliant Terry Riley au jazz rock naissant, cet album est très homogène et mélodieux. Le groupe, manipulateur de sons et d'effets, de rythmes et d'influences ouvertes, est en pleine force créatrice mais Robert Wyatt sera contraint de l'arrêter pour des raisons financières.


Robert Wyatt
 
The End of An Ear (1970)
 
Avant de quitter Soft Machine qui devenait trop sérieux alors que Robert voulait continuer à explorer l'absurde à sa manière ("J'ai toujours pensé que l'absurde c'est très très sérieux"), Robert Wyatt qui avait été initié à la musique de John Cage dès son enfance, a voulu développer ses concepts personnels, sa musique dada et son sens de la poésie contemporaine en utilisant de multiples instruments de percussions et en poussant la construction vocale par le re-recording. David Sinclair est à l'orgue et Mark Elridge au piano pour seconder Robert Wyatt qui joue déjà de ces deux instruments. Ces claviers se fondent dans des rythmes hypnotiques empruntés aux indiens d'Amérique ( "To Caravan and Brother Jim"), au jazz, joués sur des percussions diverses et des boites en plastique, mêlés à des voix accélérées, des bandes à l'envers, au piano préparé, aux effets électroniques et traitements divers. Folie mesurée et belles mélodies, sans agression sonore mais en perpétuelle inventivité, imagination débordante, compositions sophistiquées et surtout humour. "Las Vegas Tango" de Gil Evans est repris en deux versions différentes et la distribution des sons, des détails, de l'espace sonore mouvant est surprenante.

Probablement le premier disque issu du rock et de la pop music qui flirte d'aussi près avec les collages free des contemporains mais qui peut aussi être qualifié de jazz. Une atmosphère que l'on retrouvera en partie mais dans une approche plus intimiste sur The Animals Film (1982), le soundtrack d'un film sur les atrocités subies par les animaux.

En 1973, Robert Wyatt est victime d'un très grave accident qui le laisse paralysé à vie sur un fauteuil roulant. Il passe un an à l'hôpital où il réfléchit aux titres en gestation de l'album qui devait être le troisième Matching Mole et qui devenait maintenant un album solo. Il lit et redécouvre des musiques plus simples que celles qu'il considérait comme intéressantes auparavant.

"Souvent, les gens qui ont quelque chose à dire ne se donnent pas la peine supplémentaire d'inventer un nouveau langage pour les exprimer. Les langages établis leur conviennent. Souvent, les créateurs vraiment Imaginatifs n'éprouvent pas le besoin de restructurer le langage musical".

Il développe son approche des claviers et des percussions les plus abordables dont il tirera la meilleure expressivité, et à sa sortie, encouragé par le fait que de nombreux amis musiciens l'attendaient et avaient organisé un concert à son profit, il enregistre Rock Bottom.



Rock Bottom (1974)
 
Chef-d'œuvre à inclure dans une anthologie de la musique moderne.

Ce disque qui obtiendra le prix de l'Académie Charles Gros est envoûtant du début à la fin. Construit à partir de chansons dans lesquelles la voix n'est qu'un instrument pour Wyatt qui joue également des claviers, du mellotron, l'album est étrangement beau. Le son épuré (Nick Mason de Pink Floyd est le producteur), permet d'appréhender toute la tristesse embrumée qui reflète l'univers de ce batteur paralysé des jambes, pour lequel le rythme était et reste premier. Mais il chante merveilleusement, épousant la basse de Richard Sinclair ou de Hugh Hopper, la guitare de Mike Oldfield ou son propre piano ou les mélopées de l'orgue et du mellotron...
Lyrisme et sensibilité sur "Sea Song" au piano si créatif derrière l'orgue sinueux et qui débouche sur d'étranges chœurs au-dessus desquels Robert vocalise comme un instrument à vent...
Tout comme sur "Last Straw" et son solo vocalisé sur claviers et basse, alors que "Alifib" plonge dans l'intimité des timbres de basse solo sur fond d'orgue parcourus par une voix morne d'aspect mais terriblement sensuelle, amoureuse et expressive qui se dévoile en soupirs trop humains et se faufile ensuite avec "Alife", dans un hymne kaléidoscope parcouru de sons inventifs, de manipulations de bandes, d'invocations surréalistes, de cuivres expansifs et de piano free...

Fred Frith, Laurie Allan, Ivor Cutler participent également au disque ainsi que le trompettiste Mongezi Feza. Des images subtiles, une poésie veloutée, une musique mélodique, sensible, émotive, sensitive et subtile qui se déroule à partir de claviers marécageux aux mélodies bizarres mais jamais dissonantes et à laquelle on adhère dès la première écoute. Un disque qui ne vieillit pas et pour lequel tous les commentaires ne peuvent qu'être limitatifs. Rock Bottom est au-delà des descriptions et des références.

"Peut-être avais-je besoin de la discipline que j'ai acquise en devenant paraplégique... Rétrospectivement, c'était le bon moment pour que ça arrive... Il était temps de changer ma méthode, ça a été le cas avec cet accident".






 
Ruth Is Stranger Than Richard (1975)
 
La mélancolie s'atténue et ce nouveau disque, poussé par un souffle d'énergie nouvelle, est plus free. De nombreux musiciens sont invités (Brian Eno, Laurie Allan, Bill Mc Cormick, Gary Windo, Mongezi Feza, Fred Frith...) et Robert leur laisse plus d'initiatives, du boogie revisité de "Soup Song" à "Team Spirit" qui part dans tous les sens ou "Song for Che" de Charlie Haden. Sur "Solar Flares" et "Muddy Mouth", Robert fait d'étonnantes parties vocales en utilisant sa voix comme un instrument et pour son seul timbre, sans paroles.

Robert remonte sur scène notamment avec Mike Oldfield mais il découvre le trac en tant que chanteur car il n'est plus protégé par sa batterie et renonce assez rapidement.


Pendant les années quatre-vingt, Robert Wyatt ressent un grand besoin de culture. Il se retire et vit notamment en Espagne. Il lit beaucoup et, sensibilisé par les relations Nord-Sud et les formes modernes de néocolonialisme économique, il milite au parti communiste anglais. Il en partira cependant après avoir constaté que militants et dirigeants ne poursuivent pas les mêmes buts.

Cela ne l'empêche pas de sortir de nombreux singles en reprenant des classiques ou des chansons qu'il aime particulièrement et qu'il relit de manière très personnelle.
Les versions Wyatt de chansons connues sont toujours de véritables recréations. Il se débarrasse des arrangements d'origine et se plonge, à partir de sa"manière personnelle de percevoir la chanson qu'il aime dans une approche qui ne lui est dictée que par sa sensibilité. La mélodie est alors dépouillée de tous les artifices, simplifiée et réarrangée selon le "son Wyatt". Sa voix si particulière contribue énormément à la facture colorée de ces reprises comme le son incroyable de l'orgue qu'il parvient à sortir de ses traitements et effets personnels. C'est ainsi que "At Last l'm Free", un tube disco de Chic, devient une ballade sensuelle et romantique et que le "Biko" de Peter Gabriel devient une pièce détestée ou adulée selon la sensibilité des auditeurs. Et beaucoup découvriront Billie Holiday grâce à sa version de "Strange Fruit".


Nothing Can Stop Us (1982)
Old Rotten Hat (1985)
Mid Eighties (compilation, 1993)
 
Cette série de singles sera regroupée dans un album Nothing Can Stop Us où se côtoient des ballades comme "Shipbuilding" écrit par Elvis Costello, "At Last l'm Free" de Chic, des chansons reprises du jazz comme "Memories of You", "Round Midnight", "Strange Fruit" qui sont toutes extrêmement denses et fluides en même temps et des inspirations gospel ("Stalin Wasn't Stallin"), latino-américaines ("Caimanera", version de "Guantanamera"), indiennes ("Grass"). L'ensemble s'éloigne un peu du son Robert Wyatt qui ne se retrouve réellement que sur les ballades.

Ce son est au contraire intact et très homogène sur Old Rotten Hat où les nappes de claviers sont très belles sur "Alliance", sur les très lyriques "United States of Amnesia" et "The Age Of Self ou dans le calme de "Vandalusia" ou "Mass Médium". Un très beau disque tout à fait dans le son Wyatt et avec de très belles mélodies.

Mid Eighties
est une compilation des œuvres des années quatre-vingt où l'on retrouve les versions de "Biko", "Round Midnight", des extraits de musiques de films et l'intégralité de Old Rotten Hat. Une merveille dans la lignée de Rock Bottom et préfigurant Dondestan où l'orgue, le piano et les synthés analogiques sont au service de la voix pour des mélodies extraordinaires.


 
 
Dondestan (1991)
 
Chef d'œuvre.

Ce disque dédié aux apatrides et entièrement construit autour des poèmes écrits par son épouse Alfreda Benge ("Alifie" de Rock Bottom) évolue dans la solitude des claviers cotonneux (sonorités identiques à celles de Rock Bottom du fait que Robert a fait réparer le petit orgue Riviera qui était tombé en panne), du piano et de petites percussions inventives. Une musique intime et poétique à l'image de Rock Bottom mais sans la tristesse qui était sous-jacente dans ce dernier. Rythmes incantatoires ou boucles à l'envers, ballades, humour, nuages sonores en compagnie de son ami Hugh Hopper, mélodies fondantes aux arrangements qui déstabilisent par des harmonies inédites ou un jeu de piano sans code, tantôt romantique, tantôt free ou répétitif, toujours au service de l'émotion ou de la sensibilité.

Références à The End of An Ear, au jazz, à Little Red Record ou Rock Bottom, à Satie ou Terry Riley, voix étranges et psalmodies suaves, mixages subtils de simplicité, dadaïsme assagi au service de la beauté et de l'authenticité. Car c'est une des caractéristiques de Wyatt de se réapproprier son passé pour en faire du neuf. Et toujours la voix merveilleuse de Robert, comme à l'époque de "Moon in June" et sa joie de chanter comme dans un rêve, de greffer des vocalises dans l'espace ouaté de la musique, dans des paysages impressionnistes qui se révèlent des mirages à redécouvrir sans cesse.

Bilan de toute sa carrière, sans débauche technologique, sans démonstrations et où chaque note est à sa place sans pourtant respecter les codes préétablis. Un disque de sagesse, de plénitude et de douceur, d'une unité remarquable, comme une longue suite, débarrassé du désespoir des années antérieures.


 
Robert Wyatt est peintre, percussionniste, chanteur, compositeur, mais il dit ne composer que peu... "À la base, j'écoute les disques des autres et à l'occasion, je concocte les miens... Il y a beaucoup de métiers que j'aurais aimé exercer... Par exemple, j'aurais aimé m'asseoir et écouter des disques toute la journée, mais on ne m'a jamais offert un tel boulot... ". "Pour moi, un disque c'est aussi de la compagnie. Quand tu fais un disque, ou que tu en écoutes un, tu invites des gens dans ta propre chambre". "J'ai toujours été un visiteur de la musique, je n'ai jamais vécu dedans".

Bien avant son accident, il a créé la musique qui ne nécessitait pas le batteur qu'il était ("Moon in June", Matching Mole) et c'est dans les claviers et le chant qu'il s'est vraiment révélé. Une musique éclatée par toutes les influences d'une époque qui est devenue ensuite une extraordinaire musique de repli sur l'enfance, d'intimité et de non conventionnalité. Il utilise sa voix sinueuse et virtuose, torturée et sereine, au timbre à la fois céleste et écorché comme un instrument à vent, un harmonica, une flûte ou un saxophone, brassant les schémas du jazz et les influences des musiques indiennes pour décrire des arabesques au-dessus du vide. Au-dessus du vide d'une musique qui est pourtant extrêmement riche par ses sonorités et ses harmonies innovatrices... Cette voix est sans références et on ne peut échapper à son recueillement et à sa charge émotionnelle hors du commun. Des filiations peuvent être évoquées avec Billie Holiday ou Sarah Vaughan mais aussi des rapprochements avec Nusrat Fateh Ali Khan et avec les phrasés de Jon Hassell mais toutes ces approches sont loin de la réalité et il faut découvrir ou redécouvrir "Solar Flares", "Muddy Mouth" (Ruth is Stranger...), "Born Again Crétin" (Nothing Can Stop Us), "Last Straw" (Rock Bottom) pour entrer dans cette authenticité rare d'instrumentiste vocaliste et de claviériste des brumes de la pensée humaine.
 


Claude CHEMIN
février 1997

Pour en savoir plus sur Robert Wyatt, voir le livre Wrong Movements — A Robert Wyatt History de Michael King (SAF Publishing Ltd).







 

       
     
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