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 La Voix du Maître - Big Bang - N° 8 - novembre 1994






Interroger Robert WYATT sur sa musique, c'est toujours assez délicat : il est en effet avare de considérations globales sur son oeuvre, et élude les questions sur son appartenance éventuelle au courant progressif, et même à la légendaire Ecole de Canterbury. Voici néanmoins les quelques réponses que BIG BANG a pu obtenir de lui...


Ces deux compilations comprennent de nombreuses collaborations avec d'autres artistes. En général, lorsqu'on te contacte pour chanter sur un disque, dis-tu toujours oui ?

Eh bien, parfois, je suis simplement trop embarrassé pour refuser, je n'ai pas envie de faire du mal aux gens... D'autres fois, quelque chose de vraiment intéressant se passe. Enfin, tant que les paroles ne sont pas complètement stupides... Euh, eh bien non, même pas ça... ! Ça m'est arrivé plus d'une fois de chanter des trucs débiles !

Tu sembles collaborer de moins en moins avec d'autres artistes. C'est dommage, car tes participations aux albums de MikeMANTLER ou NEWS FROM BABEL étaient très réussies. Trouves-tu plus de plaisir à travailler seul ?

J'aime beaucoup être invité par Mike ou Chris CUTLER. Je suis d'accord avec toi, ces collaborations étaient réussies, et en fait, une compilation des morceaux que j'ai faits avec HENRY COW et les autres groupes de Chris, ça ferait sans doute un meilleur album que ce que je fais tout seul ! Ceci dit, je trouve que ma collaboration avec Alfie sur Dondestan a été la plus fructueuse de toutes.

Malgré ça, je crois que lorsque je me retrouve seul, il y a quelque chose de vraiment très personnel et cohérent, il y a de la place pour plus d'intimité. De toute façon, ma condition de paraplégique se prête vraiment très peu à l'interaction avec d'autres musiciens, contrairement à ma jeunesse. J'essaie de tirer le meilleur parti de ma situation. Les studios coûtent très cher, les groupes sont difficiles à monter, et je ne suis pas très bon pour faire le chef !

Y'a-t-il malgré cela des gens avec qui tu aimerais collaborer dans le futur ?

Oh bien sûr ! Mais c'est toujours le même problème que pour mon propre travail, ce que je t'ai dit tout à l'heure... Mon fauteuil roulant me cause de plus en plus d'anxiété, je me sens moins sûr de moi, physiquement... Je ne sais pas... En fait, je me sens incroyablement paralysé ! Ça paraît étonnant, je sais, mais c'est une sensation nouvelle et terrible pour moi. Même aller poster une lettre est devenu quelque chose de difficile !

Sur Going Back A Bit, on trouve une version live de "Calyx" qui, de toute évidence, provient du fameux concert de Drury Lane, en 1974. Ceci veut-il dire que, contrairement à ce que l'on croyait, ce concert a bel et bien été enregistré professionnellement ?

J'ai moi aussi été très surpris - et heureux - de découvrir cette version. VIRGIN ne m'a pas du tout informé de cela. Ils ne communiquent pas du tout avec nous !

Ce concert, c'était l'époque de ta collaboration avec Nick MASON. Son intérêt pour ta musique m'a toujours surpris, étant donné que ce qu'il faisait avec PINK FLOYD en était très éloigné...

Oh, nous sommes devenus amis... Vous savez, les batteurs sont tous copains ! Je lui ai demandé de produire Rock Bottom pour lui rendre la faveur qu'il m'avait faite en organisant un concert de soutien pour moi. Tu as raison, nous ne sommes pas vraiment du même monde... Mais ça m'a beaucoup plu de chanter sur son album Fictitious Sports.





Tu es un grand amateur de jazz. Cette influence, très présente dans SOFT MACHINE, l'est bizarrement moins dans ton travail solo, surtout celui des années 80. On y trouve en général des chansons assez courtes, plus 'pop' que jazz en fait...

C'est vrai, j'utilise beaucoup le format 'pop'. Je ne le déteste pas, bien au contraire, lorsqu'il est possible de l'utiliser sans qu'il y ait les pressions qui lui sont généralement associées, comme être obligé de viser un marché spécifique. Ceci dit, les invités qui ont participé à mes disques venaient souvent du monde du jazz : Mongezi FEZA, Gary WINDO, Ernest MOTHLE, Evan PARKER, Harry BECKETT, George KHAN... Et j'ai aussi utilisé des idée typiquement jazz dans certains morceaux : par exemple, l'introduction vocale de "Born Again Crétin" est en fait "Peace" d'Omette COLEMAN, celle de "Dedicated To Caravan And Brother Jim" est "Con Aima" de Dizzy GILLESPIE... Et puis j'ai repris des standards de jazz comme "Round Midnight" ou "Strange Fruit"...

Es-tu toujours impliqué dans la politique ?


Oh !... Maintenant, mon action politique se résume à une autodéfense désespérée... Nous sommes noyés dans une corruption politique généralisée où les spéculateurs prédateurs immobiliers régnent en maîtres...

Qu'aimes-tu faire lorsque tu ne joues pas ou n'écoutes pas de musique ?


Euh... J'imagine de la musique ! Et puis j'aime aussi, euh... comment dites-vous en français ? Ah oui, "bavarder" ! Bavarder avec ma femme Alfie, je suis un de ses grands fans ! Je pense par exemple que ses poèmes sur Dondestan m'ont inspiré la meilleure musique que j'aie jamais écrite. Ils sont vraiment magnifiques ! Et puis ses peintures sont si humaines et vulnérables. Ses remarques sur la vie sont toujours drôles et surprenantes. Je suis toujours étonné de sa constante créativité, même lorsqu'elle ne fait que changer un meuble de place ou faire la cuisine... Et puis dès fois elle m'emmène faire un tour en voiture, dans des endroits où nous pouvons regarder les oiseaux avec des jumelles, et nous cherchons à deviner de quels oiseaux il s'agit...

Aymeric Leroy

       
     
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