|
|
|
Robert
Wyatt - Atem N° 5 - juin 1976
ROBERT WYATT
|
L'interview qui suit n'a pas été réalisée
par ATEM. . . Au moment où nous étions
à Londres, Robert Wyatt était souffrant
et nous n'avons pu le rencontrer. Néanmoins,
nous avons récupéré une cassette
sur laquelle Robert est interviewé, courtesy
of Milanka Comfort de Virgin. Et puis, "Little
Red Robert" nous a écrit une lettre
qui nous a fait spécialement plaisir... Oui,
ça a été un bon mois...
|
|
|
Tu viens juste de terminer un album
dont la musique est de Michael Mantler et les textes d'Edward
Gorey, "The Hapless child and other inscrutable stories".
Comment as-tu été amené à
participer à ce projet?
Robert: Je me suis intéressé récemment
aux choses faites par ces gens et j'ai pensé que
je devais élargir mon horizon. Ce que je chante
avait été au départ prévu
pour Jack Bruce. Avant cela Michael Mantler n'avait pas
écrit beaucoup de morceaux sur lesquels il était
possible de chanter. Il a mis plusieurs trucs en musique,
dont certains ont été chantés par
Jack Bruce et de son côté, Carla Bley avait
déjà utilisé des chanteurs comme
Linda Ronstadt ou Paul Jones sur ses compositions instrumentales.
Il s'est avéré que j'ai été
une des dernières personnes qu'ils ont rencontrée
et avec laquelle ils ont eu envie de travailler. C'est
arrivé au bon moment, parce que je n'avais rien
à faire, je voulais même faire de nouvelles
versions de chansons que j'avais déjà faites,
et ils me proposaient de faire quelque chose de totalement
différent.
Que s'est-il passé entre le moment où
tu as accepté et le moment où tu as reçu
les idées globales pour chanter les morceaux?
Robert: Ca a commencé par une certaine panique.
La première panique a été au moment
où Michael m'a apporté une cassette où
il chantait sur son propre accompagnement aux claviers.
Ce n'était qu'une ébauche mais je pensais
"Je ne peux pas le faire, je peux, je ne peux pas,
je peux", jusqu'au moment où je me suis dit:
"En fait, tu peux le faire". Je ne pouvais pas
rejeter quelque chose qui venait de Mike et de Carla,
je devais donc le faire. Ils m'ont alors envoyé
des bandes, le livre des histoires de Gorey dont les chansons
ont été extraites. Et je les ai aimées
à la perfection. Je les ai apprises par coeur.
Quand as-tu commencé à
faire les parties vocales sur l'accompagnement basse,
batterie et claviers, tenus respectivement par Steve Swallow,
Jack de Johnette et Carla Bley?
Robert: Le tournant a eu lieu
lorsque l'accompagnement a été fait et m'a
été envoyé. J'ai alors vraiment compris
comment cela allait être réalisé.
Les gens de la section rythmique figurent parmi mes musiciens
favoris, Jack de Johnette, Steve Swallow. Il y a dix ans,
je suivais Steve Swallow juste pour savoir quelle sorte
de chaussettes il portait. . . Ce sont tous des gens comme
ça, dans ce groupe et c'était étrange
de travailler avec eux. Ils ont donc fait l'accompagnement
et Terje Rypdal est venu jouer de la guitare après
que j'ai moi-même enregistré les vocaux.
Le disque a donc été fait un peu partout,
mais à la fin, le résultat sonne comme un
groupe.
Es-tu satisfait du résultat
?
Robert: Oui, nous avons fait le maximum.
Tu commences à préparer quelque chose
d'autre avec Carla Bley. Peux-tu en parler?
Robert: Oui. Mike a dit: "Ok, c'est très
bon. Maintenant j'ai quelque chose d'autre !". Il
a écrit la musique d'une petite pièce de
Harold Pinter appelée le "Silence", qui
date de la fin des années soixante, et qui est
prévue pour trois voix. L'une d'entre elles est
la mienne. Cela me semble encore plus difficile que tout
ce que j'ai fait auparavant. Mais je suis en train de
l'apprendre et nous allons bientôt l'enregistrer.
Ca me rend assez nerveux. Mais ce ne sont pas les mêmes
gens que pour "Hapless child". Il y a Ron McClue
à la basse, que j'ai entendu pour la première
fois dans le quartet de Charles Lloyd, avec De Johnette
et Keith Jarret et Carla aux claviers, Mick Taylor joue
de la guitare...
Est-ce que cela suivra le même processus que
pour "Hapless Child" ?
Robert: Non, cette fois-ci les parties vocales
seront enregistrées les premières. Je vais
faire un peu de percussions aussi. . .
Pourquoi d'abord les vocaux ?
Robert: Je pense que la manière dont les
disques de Carla et de Mike se développent est
toujours tortueuse. En fait, il s'agit avant tout du problème
d'avoir les gens qu'il faut au moment où il faut.
. . Mais c'est une bonne idée que d'avoir d'abord
les vocaux et de construire la musique tout autour, particulièrement
pour les pièces de Pinter dans lesquelles les mots
sont importants. C'est un nouveau départ pour moi,
car je commence à plus apprécier les mots
pour leur signification...
As-tu l'intention de faire prochainement un album avec
tes propres compositions?
Robert: Pour la première fois depuis des
mois, je me sens plus sûr de moi-même pour
composer. Ces derniers temps, je m'intéressais
de plus en plus à ce que faisaient les autres et
de moins en moins intéressé en mon propre
potentiel. Il faut faire un disque parce qu'on a envie
d'en faire un et non parce que c'est un boulot. Je préfère
travailler comme cela, en faire moins mais être
sûr que c'est quelque chose de différent.
Je pense que j'ai beaucoup appris en travaillant avec
Carla, des notes différentes, des choses différentes
que je peux maintenant faire. J'ai brisé quelques-unes de mes règles en travaillant avec elle, par
l'exemple l'idée que l'on peut mettre des mots
en musique, je ne l'avais jamais trouvée acceptable
auparavant. J'hésitais à faire "The
Hapless child" mais cela semble marcher, on peut
écrire de la musique sur des bonnes paroles. Mon
éventail de possibilités s'est considérablement
élargi...
Aimerais-tu refaire des concerts ?
Robert: Certaines musiques que j'aime, comme le
jazz, se développent dans un certain contexte:
l'atmosphère des clubs de jazz. La pop musique
elle, se développe dans un contexte qui est celui
du disque, et les grands groupes de rock cherchent à
faire un maximum de bruit dans le stade le plus grand
possible; le stade devient alors lui-même partie
du processus créatif. Si je devais jouer, j'aimerais
jouer avec une double-basse qui n'a pas besoin d'être
amplifiée.
Mais c'est si loin de l'idée actuelle qui veut
qu'il faut avoir des tonnes d'équipement... Je
pense que l'électrification totale des instruments
a arrêté le développement des instruments,
et des caractéristiques que j'aime dans ces instruments.
Je suis de plus en plus attiré par la musique acoustique.
Il y a un cadre dans lequel j'aimerais jouer en public,
et qui n'existe pas encore.
Il faut donc que j'essaye de l'aider à se créer.
Quand je dis musique acoustique, je parle des musiques
qui n'ont pas 200 ans, qui ne soient pas la musique folk,
et qui peuvent être jouées pour être
écoutées...
Est-ce que les petits clubs ne peuvent pas éventuellement
faire partie de ce contexte ?
Robert: Pour le moment, la plupart des gens que
j'aime jouent au premier étage des pubs...Il n'y
a pas vraiment de circuit en Angleterre... en Hollande
peut-être...
|