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 Les éclaireurs du pop - Actuel - N° 5 - février 1971


LES ECLAIREURS DU POP





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Après cinq ans de confusionnisme créateur, la musique pop anglaise éclate en plusieurs écoles, blues, folk, musique jazzy, et surtout Recherches contemporaines menées essentiellement par la grande famille des Soft Machine.


L'Angleterre libérale a su récupérer la révolte venue de Liverpool. Même si le Rock n' roll continue à imprégner la pop musique anglaise d'agressivité et de puissance sonore, il s'agit plus d'une coloration musicale que d'une véritable volonté de hurler sa rage. La plupart des groupes, à l'exception des Rolling Stones, révèlent "leurs bons sentiments", leur désir de ne pas s'opposer de front au système qui les entoure, par ce goût du joli, du mélo, de la chanson traditionnelle anglaise rythmée. Il n'émane pas du son cette atmosphère pesante et irrespirable de rébellion, de rejet, qui caractérise les sonorités des groupes américains sauvages comme Steppenwolf ou les Stooges, le MC5.

Deux directions musicales essaient de dépasser ces contradictions: d'une part explorer les ressources électroacoustiques de la musique occidentale contemporaine en y ajoutant cette pulsion, ce beat hérité du jazz, mais en dépassant la formule de la petite formation heavy pour tendre vers le symphonique (Soft Machine) ; d'autre part renouveler la chanson poétique, moderniser le non-sens, l'absurde ou la sophistication par la coloration électrique psychédélique (Kevin Ayers, Syd Barrett) . Une expérience tend vers la synthèse de ces différentes formulations, : le grand orchestre de soixante musiciens de Keith Tippett, le Centipède.

Le Soft Machine a bien changé, mais la scène anglaise qu'il a contribué à créer n'est pas morte pour autant. Souvenez-vous, il y a huit ans, l'acide bouillonnait dans les cervelles, une génération de musiciens, Pink Floyd et Soft Machine en tête, accommodaient le rock à des sauces bien étranges. Quatre ans plus tard, Soft Machine agissait comme catalyseur de ce vaste brassage entre musiciens de rock, de jazz et de musique contemporaine, dans des projets grandioses comme le Centipède, cet orchestre de cent musiciens venus de tous les horizons.

Si l'on remonte dans les premiers temps de l'histoire du Soft Machine, à l'époque où il se produisait à Saint-Tropez, pendant la biennale au Théâtre des Champs-Elysées où il accompagnait une pièce de Copi et les chorégraphies de Graziella Martinez, au temps de la Fenêtre Rose, on peut avec le recul considérer la progression du groupe. Faisait encore partie du groupe Kevin Ayers, après le départ de David Allen. Le groupe vomissait le son, saturation des amplis et de la sono, avec une violence incendiaire. Le groupe livrait sa musique à l'aléatoire, aux rencontres de sonorités bien plus qu'aux harmonies ou à la construction. Comme un besoin de retrouver le point zéro du son, cette étape ultime de l'incandescence acoustique : briser le seuil du supportable pour toucher cet instant magique ou Ie son emporte tout et balaie la conscience, fait basculer dans les terres inconnues des sens. L'apport de la folie, l'étrangeté de la voix et des mots d'un Kevin Ayers aidaient à parfaire l'expérience, tout comme la démesure pataphysicienne d'un David Allen. Avec cette atmosphère trouble de fête orgiaque, d'exhibitionnisme dans les jeux de scènes, les attitudes de Robert Wyatt et Kevin Ayers. L'étape correspondait à un état d'exaltation, à une volonté de destruction du mental, des barrières intérieures.


La Machine molle a depuis digéré l'expérience pour toucher maintenant à ce stade de rigueur extrême. Mais toujours avec une volonté d'atteindre les seuils de l'inconnu du son, par d'autres voies: la composition, la construction, l'instrumental. L'agencement de sonorités soigneusement définies qui progressent à l'intérieur de structures fermes produit encore l'incantatoire, mais qui demande plus subtilement une concentration intense, un travail sur soi de l'auditeur. Car c'est une musique qui s'écoute, qui s'éloigne des trépidations du corps pour intérioriser son action.

Le groupe a repensé ses influences musicales pour les faire siennes, utilisant la musique de Riley, de Cecil Taylor ou de Coltrane pour substituer une oeuvre réfléchie à une esthétique de l'éclatement du hasard. le Soft Machine n'a pas pour autant négligé les expériences précédentes. Ainsi le son de l'orgue a conservé son caractère grondant et fruste, ainsi des poussées de fièvre concentrées maintenant dans les passages free ménagés pour le saxophone d'Elton Dean ou la percussion de Robert Wyatt. Mais cette nouvelle dimension a entraîné l'élimination de tout exhibitionnisme : pour que l'essentiel soit la musique. Cette rigidité austère semble pousser Robert Wyatt à s'essayer à d'autres expériences. Un besoin chez lui de laisser exploser sa joie, son enthousiasme, un désir de liberté harmonique pour se perdre dans les vertiges de l'improvisé. Il devient presque l'une des pièces essentielles de toute cette révolution de la musique pop anglaise. On le voit au côté de Kevin Ayers dans le grand orchestre constitué avec des amis: Symbiosis ou dans celui de Keith Tippett. Mais il enregistre aussi sa propre musique dans un album récent "The end of an ear" (CBS), tentative pour concilier la voix, comme instrument, l'électro-acoustique dans le travail en studio sur les bandes, les recordings et les accents jazzy modernistes du piano électrique, avec la pulsion qu'il sait donner à une formation musicale. La notion de musique pop traditionnelle est dépassée. Souci de modernité également : chez Kevin Ayers et son Whole World, les textes, les chansons entrent dans un moule "dramatique" créé par les instruments. La musique est étrange, continuellement contrastée, désuète ou électro-acoustique, rockn'rollienne ou sentimentale, forcée ou calme. La fascination du Whole World vient de cette impression d'une théâtralisation. Kevin Ayers fait vivre tout un monde habité de ses phantasmes; de son charme, de son cabotinage d'enfant fou.


C'est pour concilier l'explosion, la construction, la musique classique, le jazz, le rock, l'improvisation, les choeurs que Keith Tippett a rassemblé un grand orchestre. l'unique oeuvre du jeune pianiste qui fut jouée à Sigma pour la deuxième fois est "Septober Energy". Une fresque impressionnante qui s'articule sur des masses sonores avec des changements de climat, Le blues classique (violons, basses acoustiques, violoncelles) , le bloc jazz (les cuivres), le bloc pop (guitares basses, électriques et batteries), le choeur (quatre choristes) . Le schéma musical s'il est soigneusement défini, ménage, à la manière des compositions pour grands orchestres de jazz, des passages ouverts à l'improvisation.

La mise sur pied de cette énorme machinerie n'a pu être réalisée que grâce à la participation enthousiaste de chacun de ses membres : Robert Fripp du King Crimson, Robert Wyatt et EIton Dean du Soft Machine, Zoot Money, et Julie Driscoll : c'est la première fois qu'un orchestre de ce style s'est constitué à partir de musiciens pop. Il y eut, certes, dans un passé récent, des tentatives d'osmose entre musiciens classiques et musiciens pop (signalons l'échec du Deep Purple avec le Royal Philharmonic Orchestra ou de Five Bridge des Nice), mais jamais cette répartition intelligente des composantes sonores qui pouvaient apporter la réussite musicale. La porte est maintenant ouverte aux tentatives de grand orchestre pop. La musique élaborée du Soft Machine, l'apport solitaire d'un Barrett, les excentricités vocales et musicales de Kevin Ayers, la tentative de fusion de KeithTippett : on sent comme l'existence d'une grande famille musicale, faite de talents divers, mais dont chacun des membres est prêt à se joindre à toute nouvelle initiative. Une cohérence interne de toutes ces musiques qui s'éloignent des révoltes de pacotille ou de la pop consommation.

Paul Inconnu







Deux grands poufs blancs, un parquet ciré, une bibliothèque très garnie. C'est un décor d'esprit rigoureux, une atmosphère de travail, une intelligence rapide, des mots qui se bousculent. Sur la cheminée, ostensiblement exposé avec une note d'ironie, le diplôme de l'ordre de Ia Grande Gidouille décerné à M. Mike Ratledge. Londres. Mike Ratledge est l'organiste du Soft Machine, formé à la philosophie à Oxford, revenu vite à la musique et à la composition. Il vit ici entre les ouvrages de musicologie, son piano et sa compagne, sans guère sortir, s'abritant jusqu'au regard derrière des petites lunettes bleues. Il parle peu, mais il a bien voulu s'expliquer pour Actuel.


Considérez-vous que vous appartenez à la musique pop ?

Non pas vraiment, nous vivons un peu hors du circuit. Je n'ai pas vu le Pink Floyd, un des seuls groupes que je connaisse un peu, depuis trois ans.

Où vous situez vous: plus près du jazz, plus près de la musique contemporaine ?

Nous sommes très divisés sur ce point, Elton Dean par exemple, notre saxo, vient du groupe du pianiste de Jazz Keith Tippett et voudrait jouer plus free. Robert Wyatt, le batteur, est lui aussi attiré par une musique moins organisée. Hugh Hopper, le guitariste, évolue vers la musique électronique. Personnellement, je suis plus attiré par la musique contemporaine.

Ces divergences ne sont pas sources de conflit ?

Si. Mais moins qu'avant. Après trois ans de travail collectif, nous sommes parvenus à une musique à peu près stabilisée. Aussi pouvons-nous maintenant libérer des formes jusqu'ici un peu trop rigides, comme celles de notre album "Third". L'album "Fourth" que nous venons d'enregistrer est beaucoup plus free. Le Soft ouvre ses vannes : nous n'avons plus peur. Un certain manque de technique nous a longtemps paralysés. Nous avions toujours peur de perdre
le tempo, nous serrions notre musique afin qu'aucune faiblesse ne puisse s'y glisser. Mais le perfectionnisme porte sa part d'illusion.

Etes-vous un groupe underground ?

Aucun de nous ne souhaite être l'objet d'un culte dans l'underground. Taylor Mead a bien défini l'essence de l'underground: faire quelque chose pour rien. Quand on vous demande un concert underground, l'organisateur commence à vous parler en termes d'art et de messages: vous savez aussitôt que vous n'allez pas toucher d'argent, et que vous devrez payer vos frais. C'est le refus de l'organisation : la scène sera un foutoir, la sono irrécupérable... L'Underground a eu ses succès. J'aimais bien l'UFO lorsque Hoppy (John Hopkins) l'organisait. Mais d'ordinaire, l'underground est bordélique.

On dit que vous êtes les intellectuels de la pop musique ?

Nous l'avons peut-être été, nous ne sommes plus les seuls. Un groupe comme "Beyond the Edge" a intégré d'anciens musiciens du conservatoire et un expert des percussions japonaises. C'est aussi le cas de "Curved Air" ...

Croyez-vous à l'avant-garde ?

Nous y croyons un peu, nous ne tenons pas à en faire partie. Nous croyons cependant à l'Art. Nous cherchons à créer une musique neuve et originale sans tenir compte du public.

De quand date le succès ?

En France, vers 1967, à la Fenêtre Rose au Palais des Sports, la première fête psychédélique de Paris. Puis au Bataclan. La France aime le jazz: c'était bon pour nous.

Robert Wyatt, Hugh Hopper et moi-même fréquentions la même école secondaire à la fin des années cinquante : voilà toute l'origine des Soft. Nous jouions ensemble. Nous ne nous intéressions pas au pop mais plutôt au jazz. A Cecil Taylor surtout, qui était notre dieu méconnu. David Allen avait ramené deux de ses disques de Paris. Il avait aussi amené deux cents disques de jazz, denrée rare dans l'Angleterre des restrictions d'après-guerre. Il nous a beaucoup influencés en nous faisant écouter Ornette Coleman, Miles Davis et surtout Mingus et les premiers disques du groupe de Coltrane avec Mc Coy Tiner et Elvin Jones. Je suis alors parti à l'université d'Oxford. Les autres ont formé un trio très jazz. Ça n'a pas marché pour eux, ils crevaient de faim. David s'est tiré à New York, ceux qui restaient ont formé un groupe pop : c'était à l'époque -




et un peu encore aujourd'hui - la seule méthode pour vivre en jouant de la musique. En 1964, le pop commençait à être pris au sérieux, l'ère post Beatles s'ouvrait. David Allen est alors revenu de New York avec Kevin Ayers. IIs ont constitué un nouveau groupe toujours à prétentions pop mais beaucoup plus fou. Leur idée: jouer la musique qu'ils aimaient et la nommer "musique pop". L'étiquette devait apporter le succès.

L'Université ne m'a pas renouvelé ma bourse, j'étais licencié en philosophie, j'avais des dettes, j'ai rejoint le groupe. David à la basse, Robert à la batterie, Kevin jouait de la rythm guitare, cela n'a pas trop bien marché. C'est à cette époque, fin 1965, que l'UFO a ouvert le club "underground", le début du psychédélisme en Angleterre. Ce fut notre premier vrai concert. David était en contact étroit avec l'underground depuis des années. Il travaillait avec le poète Michaël Horowitz, William Burroughs, ils donnaient des shows poétiques au musée d'Art Moderne de Londres. Nous avons partagé le premier concert avec le Pink Floyd que nous ne connaissions pas. Nous étions plus jazz : Ie Pink Floyd jouait des morceaux rock, comme Louie Louie ; sa musique n'était pas très intéressante, il n'avait alors guère de technique.

Y avait-il du monde ?

Tous les amis, tous les "freaks" de Londres. C'est à ce moment que l'underground, s'est trouvé une identité. Le public existait, on pouvait s'y joindre. Tout le monde avait envie d'en faire partie. Assez vite, c'est devenu un phénomène social, et une mode. La plupart des types sortaient de l'Université. L'UFO était vraiment bien, vivante. Il s'y passait des tas de choses. L'UFO a été fermée. Le mouvement a perdu ce pouvoir créateur, cette impulsion qui lui venait de sa 'concentration.

Vous circuliez dans les circuits artistiques et jouiez plutôt dans les musées ?

Oui. Une tournée en Angleterre nous avait valu de nombreux bombardements de bouteilles de bière. Le peintre, cinéaste, assemblagiste Mark Boyle nous a invités à jouer avec lui dans les musées. Il projetait des films, inventait le light show et nous jouions. L'UFO nous a créé un public plus pop.

A quelles expériences musicales vous livriez-vous alors ?

Nous tournions beaucoup autour de la musique contemporaine. Celle de John Cage par exemple. Nous avons expérimenté le hasard. Pour notre premier album, un air fut composé par tirage au sort des notes dans une boîte. Certains morceaux sortaient bien. C'était une source d'idées originales.

Nous avons cru reconnaître dans votre album " Soft Third " une certaine influence de Terry Riley?

C'est vrai, et plus particulièrement dans le morceau Out Bloody Rageous. Nous avons beaucoup écouté Terry Riley. David Allen, il y a cinq ans à Majorque, enregistrait encore des bandes avec lui. Il fréquentait le groupe Fluxus, avec Lamonte Young et bien d'autres. Mais nous ne pouvons pas encore dire si ce sont Terry Riley ou Olivier Messiaen qui nous ont influencés. Ils font partie de notre environnement sonore au même titre qu'une ritournelle publicitaire à la radio. Quand une musique m'impressionne, c'est souvent qu'elle me séduit par une trouvaille technique. A titre d'exercice, j'essaie de l'assimiler. Il en reste toujours quelque chose, sans que je sache très précisement quoi.

L'apport de Terry Riley vous paraît-il important ?

Capital. C'est l'une des deux révolutions musicales du XXe siècle. La première fut l'introduction du hasard par Cage après la Deuxième guerre mondiale, la seconde celle du concept de répétition par Terry Riley.

Comment expliquez-vous que Riley intéresse le public pop ?

Sa musique est une musique de transe, une musique qui exerce une emprise immédiate.

C'est un peu la fin des progressions narratives en musique, des constructions bien organisées ?

Oui, cela me rappelle la réaction d'un critique américain à la musique de Cage. Pour lui, Cage, ses hasards et ses mathématiques, c'était la fin du monde, le début de la décadence : en dehors des accords, de leur progression, et de la tonalité, point de salut.

La répétition ne risque-t-elle pas d'être monotone ?

Je ne crois pas, j'écoute Terry Riley depuis des années et je ne m'ennuie jamais. La répétition crée un équilibre bizarre et toujours changeant, l'illusion du rythme sans rythme du tout. J'ai entendu Terry Riley jouer du saxo solo pendant six heures: sa répétition évolue. Il oppose deux phrases, A et B par exemple. et leur interréaction AB, AB, AB crée un rythme.

Que pensez-vous des derniers développements de la musique contemporaine ?

Elle vire vers le spectacle. Au moins sur la West Coast des Etats-Unis, Lamonte Young joue une note continue, vêtu de blanc et imperturbable : il impose un spectacle, une atmosphère, un état d'esprit.

Parallèlement, il compose un morceau pour papillon solo, il amplifie les bruits de leur vol dans une boîte fermée. Voilà une musique. Un autre exemple récent sur la côte Ouest : une femme, assise dans une chaise, est branchée sur des lampes par des fils électriques; une autre femme, aussi branchée, vient la toucher. Des lumières s'allument, Il n'y a pas de son. C'est pourtant de la musique.

Pourquoi ne faites-vous pas de théâtre ?

Nous avons trop d'ego. Pour nous, être face au public est déjà assez angoissant en soi.

Comment composez-vous ?


Une partie de la musique est écrite, l'autre improvisée, comme pour le jazz. Dans le troisième album, la composition avait trop grignoté l'improvisation. Le quatrième album sera plus équilibré.

Quand vous improvisez, suivez-vous des schémas précis et pré-établis ?

Parfois oui, parfois non. Pas de contrainte : l'improvisateur est en principe libre. II arrive que cela ne colle pas. On sent parfois que l'improvisation est bancale. Je joue ce qui me passe par la tête en réagissant à Hugh et à Robert. Idéalement, ce devrait être indépendant. Mais on se connait trop et la liberté est d'un accès difficile. Je connais les phrases qu'ils affectionnent et je peux un peu prévoir sur quelles routes ils vont s'aventurer. Chacun a ses trames. J'ai moi-même certains poncifs automatiques : improviser, c'est les combattre.

Vous répétez souvent ?

Une ou deux fois par semaine, avec des interruptions d'un ou deux mois.

Quels trucs électroniques utilisez-vous sur votre orgue par exemple ?

Un appareil qui déforme les sons et en accroît la distorsion. Une pédale amplifie les graves, une autre les aiguës. Nous n'utilisons pas encore le Moog Synthetizer, car c'est un appareil au maniement compliqué: il est difficile de l'incorporer au son d'un groupe. Nous attendons un nouveau modèle, le VCS 3, sur lequel un ingénieur anglais travaille depuis dix-huit mois.





Vous pourriez jouer avec un musicien de musique électronique ?

Nous y avons pensé. L'ennui des bandes magnétiques, c'est qu'elles figent le jeu. Le groupe doit suivre, elles commandent son improvisation. C'est possible en studio, non sur scène.

Etes-vous prêts à jouer sur une bande de Terry Riley ?


Pas dans le cadre du Soft Machine. Je joue la musique de Terry Riley individuellement. Je l'ai aussi fait à la fin de 1970 avec quelques musiciens du groupe Beyond the Edge, aux "pop proms" du Roundhouse, ces concerts qui présentent les expériences du pop. Il est difficile de tenir longtemps en jouant du Riley. A la longue, on ne sait même plus ce que l'on joue: la répétition use.

Une position politique ?

Aucune, absolument aucune. Largement anticonformiste certes, mais vaguement socialistes. Très anti-mystiques, athées en gros. Nous n'aimons pas la magie, l'astrologie. L'hindouisme a été dévoyé dans le pop.

L'argent ?

Au cours des dix dernières années, il a été possible de faire beaucoup d'argent avec le pop. Ça a toujours été vrai pour des gens comme Presley. Aujourd'hui, le côté "star" est moins développé. Votre voisin d'en face fait un disque et gagne beaucoup d'argent. Il n y a pas une personne au monde qui ne connaisse pas, au moins indirectement, un groupe de pop qui a fait du fric. Alors ça attire de plus en plus de monde, comme les soit-disant intellectuels. Si on pouvait gagner un fric énorme en écrivant de la poésie, ça marcherait de la même manière. Et des millions de personnes s'intituleraient poètes.

Et vous ?

Je fais ce que j'aime faire. Ça paraît bizarre, mais je ne travaille pas pour des motifs économiques. J'ai des phantasmes sur le fric: je rêve de voler une banque, de faire de la publicité ou d'écrire un best seller. Mais je les réalise jamais, parce que je suis foutument paresseux, et que je suis pas du tout convaincu que ça marcherait.


Propos recueillis par Julien Vladimir
       
     
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