Third
1970

Soft Machine

   
 


 
Les 1001 ALBUMS QU'IL FAUT AVOIR ÉCOUTÉS DANS SA VIE - 2006 - Flammarion

Soft Machine - Third - CBS
Direction artistique : John Hays

DN

 


Enregistré en quatre jours, Third de Soft Machine montre un groupe britannique au sommet de son art et, en même temps, en pleine tourmente. Le rock progressif devient dominant et le reste du groupe se lasse de la voix de Robert Wyatt - alors que lui en a assez de leur désir intransigeant de faire une musique plus sérieuse et jazzy.
Moon in june est la dernière création de ce dernier pour Soft Machine, et probablement le chef-d'oeuvre du groupe, même si les autres membres ne l'apprécient pas vraiment (on découvre sur la pochette que Wyatt est sur ce morceau à la basse et à l'orgue, instruments habituellement joués par Hugh Hopper et Mike Ratledge). Il mêle de vieux airs de Soft Machine à de nouvelles parties dominées par l'autodénigrement enjoué de Wyatt. Un autre enregistrement de cette suite vocale sur Peel Sessions, plus récent, est encore plus irrévérencieux, se moquant même de Ratledge. Parmi les autres titres, Facelift de Hopper, où l'on retrouve les huit membres du groupe, est probablement le plus difficile, fascinant et amusant. La pochette du vinyle original indique que Slightly all the time comprend quarante secondes du Noisette de Hopper, à vous de les identifier !
À l'intérieur de l'album, on découvre une photo formidable des membres principaux de ce groupe, étonnamment sous-estimé.




 
SOUNDS - # 21 - September ’70

Soft Machine - Third - CBS S-66248

RB

 






Das neue Soft Machine Album finde ich über weite Strecken zu kühl, zu sachlich, zu klassisch und intelektuell. Das excitement der Rockmusik ist verloren gegangen. Das wird deutlich in Stücken wie "Facelift" oder "Slightly All The Time", einer modalen Komposition à la Miles Davis von 1960. Diese Blutleere in der Soft Machine Musik, die live zu erleben immer noch ein Genuß ist, wird vielleicht auch der Grund dafür gewesen sein, daß Drummer und Sänger Robert Wyatt die Gruppe verlassen hat. Wyatt's Stück "The Moon In June" ist denn auch das befriedigendste der insgesamt vier Stücke (plus kleinen eingeschobenen Kompositionen)..




 
LES INROCKS HORS-SERIE - LES 100 MEILLEURS ALBUMS ANGLAIS - 2016

Third - Soft Machine - CBS

Francis Dordor


 





1970 marque un tournant dans l’histoire de ce rock anglais auquel on a substitué le qualificatif “progressif” à celui de “psychédélique”. Le Soft Machine de Third correspond d’autant plus à cette transition que le groupe de Canterbury a complètement muté avec les départs successifs des membres originaux David Allen et Kevin Ayers et l’arrivée du saxophoniste Elton Dean. Mais si l’on doit parler bouleversement, il est avant tout musical, la ligne dadaïste des deux premiers albums se trouvant supplantée ici par celle beaucoup plus jazz qu’impose le claviériste Mike Ratledge, qui signe ici deux compositions, les renversantes Slightly All the Time et Out-Bloody-Rageous. Le terme “jazz” n’a d’ailleurs que la valeur d’un repère de commodité, tant cette musique extraordinairement aventureuse traverse les genres avec autorité et poésie, intégrant aussi bien les principes sériels que la fusion postcoltranienne, capable d’engendrer en dernier ressort un ovni absolu comme Moon in June, génial vagabondage chanté par Robert Wyatt, alors batteur ambidextre à la voix d’ange endolori.




 
CANTERBURY NACHRICHTEN - N° 14 - Oktober 1991

Soft Machine - Third & As If... (Sampler)

(88) EEC Charly LIKD 35
        US Columbia CGK 30339
(91) UK Elite 006CDP


 




Zu "Third" kamen wahrscheinlich die meisten Anfragen, ob das Doppelalbum denn nun endlich auf CD raussei? Und Immer lautete die Antwort: Nein, gibt's leider noch nicht. Beim Blättern in einem alten Record Collector von 1988 (!) - wer hat denn da gepennt? -stach dann eine Kritik von "Third on CD" mit der Charly Bestellummer in's Auge. Diese zu bestellen schlug zwar fehl, doch dafür kam die amerikanische CD, was ja auch nicht weiter schlimm ist. Also nicht mehr schreiben, es gibt sie endlich ... Ich glaube, ich habe hier auch schon mal geschrieben, daß die Platte fantastisch ist, besonders "Moon in June". Falls nicht, wißt ihr es jetzt. (Um euch das Porto zu sparen: ob es die Charly-CD wirklich gibt, weiß Ich nicht & es ist alles drauf auf der einen CD: 75:22 Minuten. Und "As if ..." enthält nur bekanntes Material, s. Bemerkung unter CAMEL) Übrigens geht die Mär von einem holländischen Video namens "Psychomania", das Aufnahmen von SOFT MACHINE aus dem Jahre 1967 des holländischen Fernsehens enthalten soll - näheres ist noch nicht bekannt.





 
MELODY MAKER - May 30, 1970

Soft Machine album an MM preview

Richard Williams

 


IT MUST be hard for a lot of people to understand that, in France, the Soft Machine are one of the top three or four bands. Hard because they mean little in Britain as yet, although they can pack the Fairfield Hall and command a week's residence at the Ronnie Scott Club.

Their first two albums were released first in the States on the Probe label, and only the second of these was put out in Britain, after a considerable timelag. These omissions will be rectified early next month, when their new double-album will appear under a new contract with CBS.
The album, called simply "Third", resembles Pink Floyd's "Ummagumma" in that each member of the band has been given complete freedom. Bassist Hugh Hopper and drummer Robert Wyatt have one side each, while organist / pianist Mike Ratledge has two.
It opens with Hopper's "Facelift," which is actually a collage of two live performances (from the Fairfield Hall and Mothers in Birmingham, both last January) plus, some tape-loops overlayed by Hopper later on. Most of the material is from the Fairfield concert, and the side opens with the extraordinary organ solo with which the second half began.
Ratledge is now probably the most resourceful and inventive organist anywhere, making most other practitioners sound academic with his sliding pitch-warps and visceral gobs of sound.
The " bugged" soprano (Lyn Dobson) and alto (Elton Dean) play a Zappalike theme, which segues quickly into a very percussive 7/4 tune, with Wyatt asserting himself strongly behind the organ solo. Dobson solos well on flute and electric soprano, and it's back to the theme, wich is played forwards before the tape is reversed to give a pyramid effect.
Ratledge's "Slightly All The Time" starts with harmonics on the bass, and Dean's overdubbed alto and saxello play a theme which has a strong jazz flavour. Dean solos on alto over a ponderous bass progression, being interrupted occasionally by brief two-horn riffs which are introduced each time by a staccato organ phrase. A flute solo by Jimmy Hastings develops into a written flute loop, which repeats on top of the saxes' theme, and the saxello and organ solo over a 9/4 pattern. The track fades with a stately theme voiced by the reeds, fuzz organ, and fuzz bass.
Robert Wyatt's "Moon In June" features a great deal of the drummer's highly unorthodox singing, with that cool, pure tone which is most effective in the improved passages, especially when doctored with echo. Robert played most of the organ and electric piano on this track, Ratledge only coming in for a solo near the end.
Finally there's Ratledge's "Out - bloody - rageous," which opens in startling fashion with piano tapes played backwards, all based on progressions of the bass line which underpins the main theme. This theme is again played by Dean on overdubbed alto and saxello, and trombonist Nick Evans makes a couple of brief appearances. Dean has an extraordinary beautiful alto solo before the track ends with another tape collage, this time of the electric piano overdubbed three or four times, playing phrases of differing lengths which gradually contract.
The Softs are an exhilarating band, and listening to them can be like jumping off a cliff into a pool of freezing water. The new album is full of music of such fine, invigorating quality, and their crucial importance in the future of popular music cannot be denied.




 
ROCK'N'FOLK - N° 43 - août 1970

Third - Soft Machine

Melmoth (aka Dashiell Hedayat)

 


Le bruit. Là, depuis toujours. À votre oreille. Pourtant vous ne l’avez jamais écouté. Les fredonnements incertaines – hésités, cassés puis repris – la voix blanche : débris de refrains, coq à l’âne de comptines à moitié oubliées, lania lanières à tue-tête ou chuchotées, « pour rien » dites-vous, sinon à éclairer le noir des couloirs, à rameuter les rêves et avec les sommeil. Écoutez les rêves, passez de l’autre côté du miroir. De là votre regard étonné va découvrir l’impensable beauté : le bruit et la musique sont une seule et même chose, votre chant-bas est aussi bien un « beau » chant (bel canto). Dada l’avait dit, lorsqu’il était là (au second disque) mais en parler c’était encore faire confiance aux mots – donc d’une certaine façon à la Kultur. Seule la musique par sa propre convulsion (belle) pouvait nous livrer le secret de son origine : qu’elle ne que bruit. « Facelift » non pas ascension de la musique vers la lumière, mais convulsion du bruit « devenu » musique. « Devenu » par la magie dérisoire d’un mot. Où finit le bruit, où commence la musique ? Où le jour, où la nuit ? Wyatt sous les lueurs blafardes de juin « Moon in june » en muezzin. La voix blanche a hésité d’une psalmodie déchirée sur une question aussi dérisoire. À la faveur de la nuit nous libérons cette envie de chante que la Musique (celle qui s’écrit avec un grand M) nous interdit. À la faveur des rêves (tout le monde chante comme Wyatt, la beauté est partout, en vous, par vous, et qu’importe la lumière et l’ombre, le beau et le laid). Subversion de/par la musique. Depuis toujours que vous chantez ; ce n’était pas pour « rien ». Depuis toujours qu’il y a du bruit. Mais le voyant (celui qui vous a donné à voir) se damne par son projet même ; là fît sa souffrance : (contradiction insurmontable) que SA musique recule les limites de LA musique. À peine (depuis) toujours, « Slightly all the time » Ascension vers la lumière. Zarathoustra nous a dit que là est une façon de bonheur et l’Orient est une libération par la répétitif. À peine toujours. Les enfants prennent plaisir à se regarder pleurer à un miroir – oublié pourquoi ils pleuraient. Le malaise cependant persiste – sans doute la présence signalée par le texte intérieur de « Noisette », fruit ou couleur mais plus sûrement petit bruit. Inaudible. Là, pourtant. Sans doute pour casser le dernier accord ; le changer en ce hurlement grotesque par quoi tout le calme de cette plage bascule soudain vers le cauchemar, la colère blanche « Out-bloody rageous » d’être impuissant à dépasser l’indépassable contradiction, à transformer le monde – « bruit » - en un monde sa composition – à changer la vie. Retour obsédant du bruit sur lequel les musiciens qui se sont crus un instant des Dieux doivent à nouveau PLAQUER (coller) leur musique. Avec ses distinctions imbéciles, ses garde-FOUS, la Kultur reprend ses droits. La musique – blanche de colère – n’a plus qu’à s’autodétruire dans l’espoir (« Hope for Hapiness ») qu’un jour l’art aura le goût de la vie. C’est-à-dire que seule la vie sera pensable.
« Le plaisir limité de se détruire risque fort de détruire en fin de compte le pouvoir qui le limite ». R. Vaneigem… Constat d’échec – réussite de cette musique. Schoenberg (une autre série est possible), Webern (toute série est possible), Cage (tout son), Coltrane (toute musique est vous – solo – votre voix), les Beatles (tout flonflon est beau), Sun Ra (la musique est ascension vers la lumière)… third, cette ascension même. Flash, c’est-à-dire image-idée-convulsion. Date dans l’histoire de la musique, si date avait encore un sens.
Je laisse aux flics de Melody Maker le soin de vous expliquer que Wyatt n’a pas une belle voix (parce que « blanche » - ? – sans doute) et à quelques autres les influences de Coltrane sur le jeu de Dean (plus utile eût été de nous montrer à quel point le jeu de Dean est plus précis, plus « mescalin » que celui de Coltrane – chaleur élastique qui étreint), de Terry Riley sur le traitement des sons par Hopper (or chez Riley la question de la situation du musicien par rapport au matériau sonore est pose différemment). Et encore quelques sujets de dissertation pour vous : le soft machine et Dada, – l’Orient –, Brech-Weill (Alabama-Song in Moon in June), Sly & Family Stone, - Platon (conscient inconscient chez Ratledge), - l’Acide (in friends : « notre musique est à l’attention des défoncés »)… commentez et discutez. Je hais les critiques et leur prétention à montrer quand ils dissimulent. Ils n’écouteront pas Third. Sur leurs tombes nous écrirons : « Morts de beauté violente ». En avant le SOFT POWER : - MELMOTH.





 
TRAVERSES - N° 33 - juin 2013

Soft Machine Third - 1970 - par John Hays et Jurgen D. Ensthaler

Eric Deshayes

 


Third de SOFT MACHINE est un immense album, de ceux que l'on découvre avec stupeur et que l'on réécoute toujours avec un plaisir intense en se préparant à être simultanément saisi par la beauté et l'effroi. On s'attardera ici essentiellement sur la pochette du disque, c'est le but, mais il est nécessaire de décrire le contenu musical à grands traits de marqueur sur paperboard pour les éventuels lecteurs de Traverses qui n'auraient plus en tête le plan d'ensemble de ce monument historique. Third, le troisième album de SOFT MACHINE, ce sont quatre monstres d'environ dix-neuf minutes chacun : Facelift, Slightly All The Time, Moon In June et Out-Bloody-Rageous, chacun occupant l'une des quatre faces du double 33 tours d'origine. Chaque titre érode les côtes du continent jazz-rock par un phénomène de marées à très fort coefficient. Le bulletin de météo marine indique brume, houle, douceur lunaire et vents violents. Les auditeurs sujets au mal de mer sont priés de se munir d'un gros paquet de bonbons à la menthe ou de fumer les plantes de leur choix. Tout voyage s'accompagne de certains désagréments imprévisibles, mais ils sont généralement vite effacés de la mémoire par un émerveillement d'une intensité insoupçonnée une fois la destination atteinte.

La pochette elle-même n'a rien d'une brochure d'agence de voyages. Elle a l'apparence d'un matériau dépourvu de toute noblesse : du papier kraft, celui dont on se sert pour les emballages et les envois postaux. Pratique, neutre et solide. Il faut l'ouvrir pour voir intégralement s'étaler le lettrage : THIRD THIRD THIRD. Trois fois « THIRD » crayonné sur du papier kraft. Pas de peinture, ni à l'huile, ni à l'eau, ni à l'acrylique, pas d'encre de Chine, pas de feutre, pas de crayon de couleur, pas de montage de photos dispendieux, rien que du crayon à papier, uniquement du « crayon gris », griffonné par John HAYS. Il a déjà conçu la pochette du premier album d'ELMER GANTRY'S VELVET OPERA (du proto-prog post-Beatles de 1968). Il concevra les pochettes des albums Fourth et Fifth de SOFT MACHINE et celles de plusieurs albums du chanteur soûl anglais Géorgie FAME. Pour Third, John HAYS exerce l'art du graphisme dans sa plus simple expression : la typographie. On lui accordera tout de même une certaine habileté à créer du volume, il en faut pour SOFT MACHINE, notamment en travaillant les jeux d'ombres sur le troisième THIRD. Précisons qu'il fallait faire vite : hormis Facelift, capté lors de deux concerts en janvier, l'album est enregistré le 6 mai 1970 et sort seulement un mois plus tard, le 6 juin 1970. Pas de temps à perdre en post-production. Emballez, c'est pesé, envoyez ça direct à l'usine de pressage !





La pochette intérieure ne demande pas plus de travail, tout simplement une photo «panoramique ». La photo du groupe est prise dans un appartement par Jurgen D. ENSTHALER. Dès l'instant où on la découvre, on se sent complice, pote avec les SOFT, avachi comme eux sur un sofa, cuvant un bon vin en écoutant un putain de disque. Le panard ! Moi, je m'étais fait une photocopie agrandie de la photo en noir et blanc, celle du CD (je ne connaissais pas encore la version couleur du vinyle), pour la punaiser sur le mur principal de ma chambre de cité universitaire. Mon 9m2 devenait virtuellement une extension du salon des SOFT.

Il faudrait parfois préserver certains fruits de son imagination de toutes recherches empiriques. Les informations glanées pour la rédaction de cet article ont abattu le mythe au fusil de chasse. L'appartement n'est pas celui d'un des membres de SOFT MACHINE. Selon le livre Robert Wyatt : faux mouvements de Michael KING traduit par Yves BALANDRET (Camion Blanc, 1998, page 111), c'est Winfried TRENKLER que l'on distingue en haut à droite de la photo, caché derrière un poteau. Au premier plan les pieds nus qui dépassent sont ceux d'Ingrid BLUM. Beaucoup plus précis, l'ouvrage de Graham BENNETT Soft Machine: Out-Bloody-Rageous (SAF Publishing Ltd, 2005, page 206) indique que la photo a été prise le 4 avril 1970 dans l'appartement des deux journalistes Winfried TRENKLER et Ingrid BLUM, adeptes, comme beaucoup à l'époque psychédélique, d'Optical Art à voir les reproductions affichées sur leurs murs. Winfried TRENKLER fera carrière à la radio WDR 2 en fin spécialiste de rock progressif et de musiques électroniques. Les SOFT MACHINE font un break chez eux, ils sont arrivés à Cologne par avion pour un concert au Sporthalle dans le cadre du Progressive Pop Festival'70. Les SOFT MACHINE se remettent doucement du voyage éprouvant à bord d'un petit avion qui laissait passer le jour et l'air par l'embrasure des portes et dont les vitres étaient givrées de l'intérieur. L'habitacle du coucou n'était pas du tout pressurisé. Elton DEAN en ressortit les tympans sévèrement meurtris et n'avait pas encore récupéré la totalité de ses facultés auditives lorsqu'il monta sur scène. Ainsi donc, ceux que l'on a longtemps cru être des musiciens photographiés dans un doux moment de méditation fraternelle sont en fait sonnés par leur déplacement dans un zinc de transport de fret, celui qui transportait leur matériel. Ils se sont écroulés chez de quasi inconnus, éreintés, assourdis. Ils viennent d'enfiler quelques bières et une bouteille de vin rouge en accompagnement d'un en-cas dont il ne reste aucune miette dans leurs petites assiettes à dessert, peut-être un peu d'omelette. Ils ont un concert à assurer dans les heures qui viennent.

Légende de la photo de pochette intérieure : Elton DEAN, Hugh HOPPER et Mike RATLEDGE et Robert WYATT. Derrière le poteau : Winfried TRENKLER. Premier plan : les pieds d' Ingrid BLUM.





 
JUKEBOX MAGAZINE - N° 164 - avril 2001

Le rock progressif anglais (2) - 9 pièces maîtresses - 1970-72
Soft Machine - 1970 - The Third (CBS 66246 UK).

Luc Marianni

 


Ce disque représente la première longue suite sortie au milieu de l'année 1970. En fait, il n'y en a pas une mais quatre sur ce double album, véritable merveille qui concilie toutes les tendances de la recherche musicale de pointe de l'époque. Nous sommes au confluent du jazz, du free, de la pop, du rock, de la musique répétitive et contemporaine, de la recherche électronique et de la mélodie. Quelle classe !





Soft Machine, comme Pink Floyd, vient du mouvement psychédélique. Comme son nom l'indique, c'est une magnifique machine molle, dans le sens où ce groupe n'a jamais trouvé, durant son existence de 1966 à 1982, une véritable unité de personnes. En effet, le guitariste australien Daevid Allen est parti dès les débuts, après les premières séances mais avant l'enregistrement du premier album qui a été suivi du départ du bassiste Kevin Ayers, intégrant la grande nébuleuse des anciens de Soft Machine. Cas unique, il est le seul à avoir une formation finale totalement différente de son origine, sans aucun membre commun. « The Third », qui voit le jour le 4 juillet 1970, est enregistré par Mike Ratledge (claviers), Robert Wyatt (batterie, chant), les deux survivants des débuts, rejoints par Hugh Hopper (basse) et Elton Dean (cuivres) plus, comme invités, Nick Evans (trombone), Jimmy Hastings (flûte, clarinette), Lyn Dobson (flûte, saxo) et Rab Spall (violon). Album double, quatre morceaux, un par face et un seul chanté, « The Moon In June ». C'est l'œuvre de Robert Wyatt, batteur et chanteur, qui laisse éclater en 19 minutes une pluie de sensation, un torrent de surprise, un océan de tendresse. Le feeling ici dépasse toutes les limites. Cassures de rythme incessantes dues à un assemblage hétéroclite et pourtant parfait de petites mélodies, voix attachante, jeu de batterie rarement égalé dans la subtilité et la douceur percussive (Robert Wyatt devra pourtant abandonner la batterie quelques années plus tard suite à une paralysie des jambes due à une chute). Authentique œuvre qui évolue au fil du temps avec des paroles souvent improvisées qui se transforment d'une version à l'autre. Folie et unité, un concept peu concevable aujourd'hui dans le monde technologique régit par l'ordinateur. « The Third » est d'ailleurs la dernière œuvre de Soft Machine enregistrée avec le chant de Robert Wyatt, le groupe se tournant ensuite vers le free jazz puis le jazz-rock, ce qui en fait un groupe à part, déterminant dans l'univers progressif anglais. Il engendrera des émules, des courants parallèles et des musiques nouvelles (avec Henry Cow, l'excellent groupe français Pataphonie dont le second LP est réédité en CD chez Muséa, ou encore les Belges de Univers Zéro).





 
JAZZ MAGAZINE - N° 658 - février 2014

Dossier Jazz & Pop
Soft Machine - Third - 1970 - Columbia.

Franck Bergerot

 


Qui découvre aujourd'hui ces quatre suites - une par face de Lp, aujourd'hui en un seul CD - sourira peut-être de ce pré-jazz-rock post-ornettien psycho-minimaliste qui en constitue les trois faces instrumentales. L'orgue de Mike Ratledge sonne comme un jouet, le vocabulaire d'Elton Dean est étriqué, le drumming de Robert Wyatt est foutraque, l'abominable prise de son est l'objet d'impensables bidouillages. On peut lui préférer l'album "4", décrié parce qu'il illustre la mise sur la touche de Robert Wyatt comme chanteur et compositeur, mais qui fait bonne figure dans la discographie du jazz anglais. Pourtant, les instrumentaux de "Third" ont marqué leur époque (jazzmen compris). Evidemment datés, ils portent la patine du fol imaginaire pop des sixties où tout s'inventait avec les moyens du bord. Reste la face 3, Moon in June, le grand poème de Robert Wyatt qu'il a enregistré quasiment seul moyennant quelques montages. Aboutissement des deux précédents albums, tête de pont d'une œuvre solo à venir, il irradie les trois autres faces de l'album (peut-être même les deux faces de "4") et, depuis, n'a cessé de hanter des zones entières du jazz.




 



       

Critiques/Reviews