|
|
|
Concert Pop' et guérilla - Le Monde - 2 février 1971
CONCERT POP ' ET GUÉRILLA
|
Par MARTIN EVEN
L'Ecole supérieure des travaux publics donnait dimanche sa soirée annuelle au Palais des sports. " Soirée pop' ", avaient décidé ses organisateurs, qui réunissaient à l'affiche du Palais des sports à Paris cinq groupes de bonne renommée : Soft Machine et ses deux dissidents (D. Allen et K. Ayers) plus Iron Butterfly et Yes. Rien qui mérite des bagarres. Cependant le prix des places (de 30 à 50 francs) était jugé trop élevé par certains jeunes spectateurs.
Hélas ! tout avait été réuni pour que se déclenche, une nouvelle fois, le socio-drame " contestation - répression ". Les forces de l'ordre étaient là, casques à visière et boucliers, l'arme au pied ; les forces du désordre également, casques de motocyclistes et slogans : " Concerts gratuits ! La pop' pour tous ! " Au début, on s'est un peu bagarré, puis les organisateurs ont ouvert les portes.
A l'intérieur, des orateurs de fortune s'emparent du micro : " Brûlons les voitures des riches ! Résistance populaire ! " Certains, mieux équipés, commencent à démolir les sièges, rangée par rangée. Une bombe fumigène explose. Puis les musiciens ramènent l'ordre dans la salle en commençant le concert.
C'est alors qu'un petit groupe parvient à fracturer les réserves des buvettes du Palais des Sports. Ce sont les chocolats glacés qui volent aux quatre coins de la salle, puis les caramels, les saucisses, le pain, les bouteilles de limonade, de bière, de vin, de whisky, le papier hygiénique qui sert de serpentins, les bordereaux comptables, etc. Tout est mis à sac. Tandis que les musiciens du " gong " jouent imperturbablement.
Vers minuit, alors que seulement deux groupes sont passés sur scène, les autorités demandent l'évacuation de la salle. " Restons tous ensemble, camarades ! " supplie un des orateurs. Mais, par petits groupes, les spectateurs déçus se replient.
Les pompiers maîtrisent un début d'incendie. A l'extérieur, des groupes attardés jouent à la guérilla, dispersés par les grenades fumigènes. Plus tard, les derniers combattants se replient par la rue de Vaugirard, où ils échafaudent des barricades de fortune, détruisent nombre de vitrines et pillent quelques étalages.
Bilan : des dégâts matériels considérables, des blessés - dont une dizaine de policiers - et vingt-six personnes mises à la disposition du parquet. Ce n'est sans doute pas demain qu'il y aura, de nouveau, un concert pop' au Palais des Sports, fût-il payant.
|