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 Concert Soft Machine - Best - N° 18 - janvier 1970





CONCERT SOFT MACHINE

 

La grande salle de la M.A.L.S. (Maison des Arts et Loisirs de Sochaux) était pleine à craquer ce soir-la. Dans les coulisses, Mike Ratledge et Hugh Hopper écoutaient distraitement les questions que leurs posaient les fans qui avaient réussi à pénétrer derrière le rideau, et répondaient par monosyllabes. Robert Wyatt, lui, menait une discussion animée en un jargon semi-français, semi-anglais avec quelques " hippies " de passage. De l'autre bout du plateau nous parvenaient les sons étouffés d'un saxophone ou d'un trombone. Les cuivres se préparaient. Quelques minettes, inévitable lot des musiciens rodaient çà et là, guettant un sourire ou un geste.

Bref tout était prêt pour le concert.

A l'arrivée des sept hommes sur scène, un léger murmure d'étonnement parcourut l'assistance. N'étaient-ils pas trois ces Soft Machine, dont les affiches noires et blanches couvraient les murs de la ville depuis une huitaine de jours.
Et la « Machine » commença à tourner. Ratledge, beau comme un dieu, laissait courir nonchalamment ses longs doigts sur le clavier. Hugh Hopper penché sur le manche de sa basse, mesurait, comptait, évoluait ses notes alors que Robert Wyatt déjà en sueur déchaînait des grondements de tonnerre sur sa batterie.

Calmement assis derrière leurs pupitres, feuilletant leurs partitions, ajustant les micros sur leurs instruments ou devisant gentiment malgré le déferlement de décibels qui sortaient de l'énorme sono, Mark Charig (flugelhorn), Elton Dean et Lynne Dobson (saxophones) et Nick Evans astiquant son trombone, attendaient.

Lorsqu'ils se levèrent et embouchèrent leurs instruments, l'étonnement fit place à la surprise la plus grande. Ces gens-là jouaient du jazz ! Et qui plus est du free-jazz.

Pourtant le mélange s'avéra plus qu'heureux. Un long solo de trombone acheva d'enlever le public et la " Machine " termina la première partie dans un déluge d'applaudissements qui couvrit presque le bruit des amplis.

Deuxième partie. Après un entracte houleux au cours duquel de jeunes excités tentèrent de semer la zizanie en cherchant des motifs politiques à la musique du groupe, le monstrueux engin à sept membres se remit en route. D'un magma sonore auquel l'oreille s'habitue, les ronflements exacerbés de la basse. la voix éraillée de Robert qui paraissait le lien moteur du groupe et d'extraordinaires chorus de saxes et de trombones. S'imbriquant l'un dans l'autre, les terrifiants rouages de la " chose " allaient une fois de plus écraser la foule figée. Les mandibules se refermèrent sur le spectateur victime consentante et lorsque la lumière revint dans la salle, un bref instant de silence glacé précéda l'ovation.

Quelques tonnes d'amplificateurs, des kilomètres de câbles et de circuits, quelques kilos de cuivres et de bois mus par sept insolites créatures venaient d'accomplir leur œuvre.

Hébété, le spectateur quittait l'antre où " la Machine molle " avait, ce soir, élu domicile, pour retomber dans les serres broyeuses de l'inévitable quotidien.

Jean M. Mareska


       
     
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