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Éloge de Kevin Ayers, poète de l’âge psychédélique
 





5 décembre 2024 - A Very Good Trip, une émission de Michel Assayas et Stéphane Ranxin.


Ce soir, une voix unique, dans tous les sens du terme, celle de Kevin Ayers.

Une chanson remontée du fond des âges, 1973, écrite et interprétée par un musicien anglais qui nous a quittés il y a plus de dix ans. Il avait un lien très étroit avec la France, j’en parlerai et vous l’entendrez, d’ailleurs. Il s’appelait Kevin Ayers a été, je peux en témoigner, un des compagnons de mon adolescence. Sa voix basse, sa douceur, sa fantaisie lunaire me parlaient. J’ai découvert en particulier un de ses disques, un album qui s’appelait Bananamour, alors que j’avais quatorze ans, en 1973. Un album qui a été pour moi un de ces amis secrets qui me consolaient de tout. C’est de Bananamour que je tire la chanson que vous venez d’entendre, « Shouting in a Bucket Blues », le blues de l’homme qui gueule dans un seau. Et qui commençait par ces paroles qui sonnaient comme une confidence au ton nonchalant : parfois je suis tellement bourré, je me sens au fond du trou, je n’ai nulle part où aller, je pense à tes bras amoureux où je voudrais me réfugier. Je ne comprenais pas tout ce qu’il racontait mais il y avait dans cette chanson des paroles qui me sont restées : je chante pour tous ceux qui sentent qu’il n’y a pas d’issue, alors peut-être que si vous criez tous, quelqu’un va vous entendre. Et puis aussi : je ne vais pas dire que je t’aime parce que ce serait mentir, tout ce que je peux dire c’est que j’essaye et tu le sais bien. Tout ça était chanté d’une voix qui n’avait rien de pesant et, dans sa légèreté et sa nonchalance même, avait le pouvoir de vois consoler de tout. De vous assurer, alors que vous étiez emmêlés dans vos problèmes d’adolescence, que la vie n’était pas si grave et que, peut-être, rien n’avait vraiment d’importance.

Une nouvelle compilation qui s’appelle All This Crazy Gift of Time, tout ce délirant cadeau du temps, sous-titré The Recordings 1969 1973, les enregistrements de 1969 à 1973, paraît opportunément pour rappeler ou faire découvrir le talent unique de Kevin Ayers, qui n’a pas pris une ride. Et qui, surtout, ne ressemblait à aucun autre. Il faut souligner quelque chose qu’on a oublié : c’est que, au cours de la première moitié des années 70, Kevin Ayers, qui passait une partie de son temps en France, où il a toujours aimé se réfugier, occupait les premiers plans. Il a été une grande figure de la musique underground, au même titre que Robert Wyatt ou le groupe Gong, auquel il était lié. Gong, créé par un Australien exilé en France, Daevid Allen, rebaptisé Bébert Camembert. Une formation qui unissait des musiciens français et britanniques habitant dans une ferme communautaire, quelque part dans l’Yonne.

Kevin Ayers me fascinait. Déjà, c’est un des premiers musiciens que j’ai vus sur scène, sans doute en 1973, dans une maison des jeunes et de la culture du sud de la région parisienne. Il avait à mes yeux le même prestige que Robert Wyatt, je l’ai dit, mais aussi John Cale, le fondateur du Velvet Underground à New York, ou Brian Eno, qui venait de quitter Roxy Music pour explorer de nouveaux territoires musicaux. John Cale et Eno, deux musiciens avec lesquels Kevin Ayers s’est produit sur scène, en même temps qu’avec la chanteuse allemande Nico, elle aussi une star de l’underground dans ces années-là. Pour un concert exceptionnel qui fut enregistré et diffusé sur disque en 1974. On n’a jamais oublié Kevin Ayers.

Je me rappelle mon agréable surprise il y a quelques années quand, alors que l’équipe technique était en train d’installer le matériel pour le groupe Queens of the Stone Age, passaient des chansons de Kevin Ayers. Intrigué, je suis allé parler avec les gars, en leur demandant comment ils le connaissaient. Ils m’ont répondu que c’était un disquaire, je ne sais plus si c’était quelque part à Los Angeles ou ailleurs, qui le leur avait fait découvrir. Comment oublier cette voix une fois qu’on l’a entendue ?

Michel Assayas



 

Playlist :

Kevin Ayers
« Shouting in a Bucket Blues » album « Bananamour »
« The Lady Rachel - BBC Radio One’s “John Peel’s Show” 30/7/74 » album « The Confessions of Doctor Dream and Other Stories » (with Bonus Tracks)
« Girl on a Swing - 2003 Remaster » album « Joy of a Toy »

Kevin Ayers and the Whole World
« Butterfly Dance » album « Shooting at the Moon »
« The Oyster and the Flying Fish » album « Shooting at the Moon »
« Puis-je? - 2003 Remaster » album « Shooting at the Moon »
« Jolie Madame » album « Shooting at the Moon »

Kevin Ayers
« Stranger in Blue Suede Shoes » album « Whatevershebringswesing »
« Oh! Wot a Dream » album « Bananamour »
« Everybody’s Sometime and Some People’s All the Time Blues » album « The Confessions of Doctor Dream and Other Stories » (with Bonus Tracks)
« After the Show » album « The Confessions of Doctor Dream and Other Stories » (with Bonus Tracks)
« Diminished But Not Finished » album « Sweet Deceiver (with Bonus Tracks) »
« Yes I Do » album « Yes We Have No Mañanas… So Get Your Mañanas Today » (with Bonus Tracks)


 







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