Old Rottenthat
1985

Robert Wyatt

   
 



 
FRIED ROCK CLASSICS FROM THE 80's - Jeudi 20 décembre 2007

Robert Wyatt - Old Rottenhat - LP, Rough Trade Rough 69, décembre 1985

Jean-Philippe Cimetière

 

Si les années septante de Robert Wyatt et Rock Bottom (1974) en particulier font l’objet de respect et de nombreuses citations chez les amateurs de musique ayant les oreilles bien débouchées, ses années 80 sont souvent considérées au mieux comme une période de transition expérimentale, au pire comme une traversée du désert. Il est pourtant un album, publié en décembre 1985, qui mérite de figurer parmi de ses plus belles réussites. Mettons donc ici à l’honneur Old Rottenhat, publié par Rough Trade, le label indépendant issu du mouvement punk et qui redonna à Wyatt l’opportunité –peut être même le goût- de sortir des disques. Après une poignée de single et un premier album en 1982 (Nothing Can Stop Us), le barbu batteur présente ici un album auquel convient on ne peut mieux l’épithète « solo » puisque Wyatt livre dix morceaux entièrement interprétés seul ; soit drums, keyboards & vocals by Robert Wyatt. Le disque n’a pas été enregistré à la maison, on ne parlera donc pas de repli ou d’autarcie. On pourra toutefois supposer que cette solitude n’est pas étrangère à l’engagement politique de Wyatt (il était alors membre du parti communiste) : il avoua avoir dû faire preuve de beaucoup plus de courage pour défendre ses idées que pour s’affirmer en tant qu’artiste.

Et c’est bien un disque politique qu’il nous propose : les mensonges sur lesquels repose la démocratie, la manipulation médiatique, la réécriture amnésique de leur passé par certaines nations comme les Etats Unis (« The United States Of Amnesia »), le sale rôle de l’Occident en « East Timor » constituent le fondement des lyrics. « They say the working class is dead, we’re all consumers now » se plaint-il au début de “The Age Of Self ». Il ne s’y résout visiblement pas et distille ça et là quelques notes de l’Internationale histoire de marquer le coup.

La musique, elle, n’est « certainement pas du rock’n’roll », comme il l’affirme dans un bel article du New Musical Express (14 décembre 1985). Wyatt parle d’un « english blues ». Ce sont ses claviers, pour l’essentiel très minimalistes, qui donnent à Old Rottenhat cette couleur en harmonie avec son inimitable voix, à la fois haut perchée, sans cesse comme dans un souffle. Le jeu et les possibilités sont la fois limitées et d’une grande variété et une impression de grande richesse s’impose au fil des écoutes. On est ici à la fois tout près, parfois, des orgues de Nico et des vocaux de Brian Wilson. Soit l’eau (très froide) et l’air (de très haute altitude).

Tout disque politique qu’il est, Old Rottenhat s’achève par une adresse à Alfie, sa compagne : « Poor little Alfie trying to draw, poor little Alfie trying to sleep » puis par une courte pièce psychédélique, une petite ritournelle qui reste dans l’oreille une fois le disque arrivé à son terme à tel point que l’on en vient à se demander si l’essentiel ne s’y cache pas. Or que nous y dit Robert ? “you wondering now, what to do ?, now you know this is the end.” Pataphysique ou mantra ? Et si la meilleure chose à faire n’était pas encore de replacer l’aiguille là où tout commence, c’est-à-dire, en ce qui concerne ce disque en tout cas, au début d’ «Alliance » ?





 
NOTES - N°20 - février 86

Robert Wyatt - Old Rottenhat (ROUGH TRADE 70406)

Bernard Gueffier

 

Dix ans ! Il se sera écoulé dix ans entre le dernier LP de WYATT et celui-ci. Oh! bien sûr! entre temps il avait calmé notre impatience en jalonnant les années de multiples 45t, compilations, apparitions diverses et éparpillées où les délices de sa voix n'avaient bien souvent d'égale que l'indigence de son propos musical. Le récent LAST NIGHTINGALE avec Chris CUTLER nous avait bien confirmé que WYATT doit pour s'épanouir, s'intégrer à un groupe, se mettre au service d'un compositeur. Eh bien! ce dernier disque sera l'ultime démonstration de ce fait : la voix est toujours suave à souhait, mais le minimalisme des compositions et de l'instrumentation nous laisse sur notre faim. Enfin, tout espoir n'est pas perdu puisqu'on parle de notre vieux Robert, pour remplacer DAGMAR dans NEWS FROM BABEL. . . )





 
ORDET BLOG - 22 mars 2016

Robert Wyatt: Old Rottenhat

Philippe L

 

L’inattaquable plongée mid-seventies Rock Bottom à beau être l'un des plus beaux albums d’anti-rock au monde, il y a dedans Nick Mason l'infirmier Pink Floyd et encore un peu quelque chose du Barnum dans les arrangements. Voilà peut-être pourquoi j'ai toujours trouvé plus à mon goût le Robert Wyatt mid-eighties celui du vieux chapeau pourri et des merveilles Cherry Red. Une voix, un orgue et rien de plus, ou presque. Robert le défenestré gazouille autour de quelques génocides divers et oubliés celui des Indiens d’Amérique, celui des Timorais orientaux, il est question de lutte des classes, de mass medium et de temps de cerveaux disponible. C'est un disque qui pourrait avoir été écrit par Noam Chomsky. Bienheureusement il est chanté par Robert Wyatt, ce formidable porte-parole du Parti communiste britannique. Là oui très haut dans les limbes, c'est lui. (On me chuchote qu'un Wyatt fredonnant le bottin pourrait être tout autant politique puisque ce qui est surtout politique chez lui c'est sa voix et avant tout sa voix. Je ne sais pas ; peut-être, allez savoir ?)






 
NEW MUSICAL EXPRESS - 30 November 1985

Robert Wyatt: Old Rottenhat (Rough Trade)

Mat Snow

 

CAN POLITICS and music mix? Are songs about matters commonly deemed to belong in the political sphere not really songs at all, but rather singing pamphlets on a par with singing telegrams? Should political songs necessarily be anthemic and sloganising: is their purpose to stress goals, identify the enemy, raise the spirits and unite common causes in a single voice? What is music for?
Old Rottenhat raises all these questions; but first impressions first. How does it sound? "Musically, I should say it's more of a slinking record than a dance record," ventures Robert in his customarily wry press-release. He's right. Old Rottenhat neither quickens the pulse nor punches the shadows: rather, it fills the air with the sound of quietly philosophical Englishness, a point of view, a tone of voice, a singular mood.
Robert Wyatt's quirky individualism is the strength of his music and argument. A Wyatt record is like an old friend; it neither hectors, lectures nor harangues as if the listener were a public meeting. His plaintively low-key voice and the uncluttered, hymnal contemplativeness of his music demand you listen hard: its quiet self-effacement is not only impossible to ignore, but invests with personal relevance and resonance tunes hitherto abandoned to memory's stockpile of frozen standards. I'm thinking of his 1974 version of The Monkees' 'I'm A Believer' and his solo rendition of 'The Red Flag' from the 1982 collection Nothing Can Stop Us: sung by Robert Wyatt they find a melancholy dimension that rings touching, refreshing and true.
Old Rottenhat – as unheroic an LP title as there's ever been – is dedicated to Michael Bettany, "just one of England's (sic) many political prisoners". Since Old Rottenhat is Robert Wyatt's first LP of self-penned songs since 1975's Ruth Is Stranger Than Richard, I should imagine he thought long and hard about this choice. Bettany's trial for trying to pass official secrets to Russia indicated a most hapless bungler, inspired more by embittered outsiderhood than idealism: Robert Wyatt makes no distinction between this dubious character and a more noble political prisoner. Whichever, Bettany shouldn't be in jail, and Wyatt's judgement here is humane, not ideological – a telling gesture.
But of what does he sing? The majority of songs here are plainly 'political'. He regrets the divisiveness and hypocrisy of the Alliance parties ('Alliance'); sighs at the modish view that workerism has been undermined by consumerisation ('The Age Of Self'); confronts white America with the wilfully forgotten history lesson of the Red Indian extermination ('United States Of Amnesia'); derides British self-glorification ('The British Road'); reminds that there is such a place as East Timor, and all is not well there ('East Timor'); implicates our 'free press' in the erosion of our freedom of thought ('Mass Medium')...
These are familiar topics of hand-wringing conversation amongst Guardian-readers such as myself; but does conscience only prod if pushed by novelty? Should concern diminish with loss of newsworthiness? And would we just stand there and be buttonholed, however right-on the message, if the messenger was a bore?
Luckily, not a note strikes false nor word rings hollow. With quiet, mournful endurance, Robert Wyatt applies steady musical pressure – a sort of analogue to the theory where real history is not the surface activity of the waves, but rather the great invisible oceanic movements beneath. Words may lose their original meaning over time, but music conveys a profounder spirit. That is what music is for.
By the way, a great record.






 
TELERAMA - 22 janvier 1986

Robert Wyatt: Old Rottenhat - Rough Trade - Virgin (70406)

Philippe Barbot


 

Le retour de l'ermite. Cloué sur un fauteuil roulant depuis 1973, l'ex-batteur-chanteur de groupes baroques britanniques comme Soft Machine et Matching Mole, ne faisait guère plus jaser.
Les inities conservaient au creux de leur discothèque son Rock Bottom, un des albums les plus sombres et déroutants de l'histoire du rock dit de Canterbury. Une série de 45 tours — dans lesquels il reprenait, en vrac, Costello et... Guantanamera — et une musique de film animalier exceptés, Robert Wyatt semblait davantage concerné par la méditation politique — on le dit inscrit au parti communiste — que par la continuité de son œuvre musicale.
Cet album, couplé d'un maxi 45 tours en compagnie des Swapo Singers, anecdotique s'il n'était consacré à la cause anti-apartheid (The wind of change, Virgin 80222), est donc une véritable résurrection. Et une nostalgique surprise: Wyatt a conservé cette voix de glotte acide, ces murmures aux tonalités évasives qui ont fait sa particularité.
Sur des canevas de claviers lugubres, orgues de barbarie civilisés et harmoniums essoufflés, il tisse ses cantiques de cathédrales en kit, comme des comptines déraillantes. Les percussions s'égrènent en conciliabules tintinabulants, et les textes caustiques ne laissent paraître qu'un militantisme à la vue large. Frileux, mais superbe.


 
       

Critiques/Reviews