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Middle Earth Masters
Soft Machine
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RYTHMES CROISÉS - 2 octobre 2018
Soft Machine – Middle Earth Masters
(2006, Cuneiform Records / Orkhêstra)
Stéphane Fougère
Article réalisé à partir de chroniques parues dans les revues TRAVERSES et TANGENTES, dûment remaniées et complétées en 2018.
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Avec ce CD, le label américain Cuneiform Records livre une archive d’autant plus précieuse qu’elle renvoie aux tout débuts de SOFT MACHINE, qui jouait alors une musique très marquée par le pop-rock psychédélique, avant qu’elle ne tourne au jazz-rock-free-impro avec l’adjonction de vents dès l’automne 1969.
Middle Earth Masters nous permet donc de retrouver SOFT MACHINE en 1967, soit un an seulement après ses débuts sur scène. Cette année-là, le groupe s’était déjà taillé une solide réputation en jouant dans tous les clubs anglais underground du moment, comme le Roundhouse, le Speakeasy et l’UFO. Avec seulement un premier 45 Tours (Love Make Sweet Music) à son actif, le quartet – constitué de Daevid ALLEN, Kevin AYERS, Mike RATLEDGE et Robert WYATT – a aussi écumé la Côte d’Azur lors de l’été 1967, se produisant dans des soirées branchées organisées par Eddie BARCLAY, Jean-Jacques LEBEL ou Caroll BAKER (à la soirée de laquelle les « Softs » ont joué une version de We Did it again qui a duré une heure !), ou écrivant la musique pour une pièce de PICASSO, Le Désir attrapé par la queue.
Puis, c’est l’événement célèbre : le blocage de Daevid ALLEN à la douane française pour papiers non conformes qui l’obligera à rester en France et donc à former un nouveau groupe (guess which one…). La Machine molle n’est dès lors plus qu’un trio (AYERS/RATLEDGE/WYATT), et c’est sous cette forme qu’elle se produit à plusieurs reprises au club londonien Middle Earth à l’automne de la même année.
La majorité du contenu de Middle Earth Masters provient donc, si l’on en croit les informations de la couverture verso, d’un concert donné le 16 septembre 1967. Or, la reproduction dans le livret d’une affiche promotionnelle et les souvenirs livrés par le journaliste Jon Newey évoquent la date du 13 octobre 1967. Tout cela n’est pas très clair… Il est vrai que des extraits de ce concert au Middle Earth ont déjà été publiés dans le CD SOFT MACHINE Turns on – Vol. 1 publié par Voiceprint qui pâtit d’une qualité sonore exécrable. Rien de tel avec Middle Earth Masters, qui s’avère bien supérieur, du fait des soins intensifs apportés au nettoyage des bandes.
Avec un peu de patience et en usant de toutes les dernières prouesses technologiques possibles, on peut faire des miracles. Par exemple, on peut rendre globalement écoutable un enregistrement qui passait pour être définitivement inexploitable, comme celui que Bob WOOLFORD avait fait de ce concert de SOFT MACHINE à l’automne 1967. Ainsi, ses bandes masters ont été nettoyées de fond en comble, équalisées, compressées, boostées, codées, corrigées, époussetées, éditées et remastérisées, bref rendues dignes d’une publication officielle.
À cet égard, cette publication de Cuneiform est on ne peut plus fréquentable pour les oreilles exigeantes, même si les parties vocales de Kevin AYERS et de Robert WYATT sont bien vite noyées et étouffées dès que l’orgue fuzz de RATLEDGE bat son plein. Par conséquent, il n’y a guère que sur le premier morceau, Clarence in Wonderland, que la voix d’AYERS est parfaitement audible. WYATT n’a pas cette chance avec Hope for Happiness, puisque c’est à partir de ce morceau que Mike RATLEDGE se lâche avec son solo distordu et abrasif, à l’écoute duquel on réalise combien son orgue pouvait rivaliser en puissance et en invention sonore à la guitare électrique d’un HENDRIX.
C’est incontestablement la performance de RATLEDGE qui remporte ici les suffrages, du fait de la mise en valeur de son orgue dans le mix, mais aussi pour son jeu foisonnant et toutes ses trouvailles sonores. Il n’est que d’écouter ce festival de dissonances hypnotiques qu’est Disorganisation, une pièce soliste inédite de RATLEDGE qui débouche sur un We Did it again survolté, voire pré-punk, qui cède lui aussi la place à un Why are We Sleeping ? démentiel et perturbateur.
Le répertoire se partage donc entre les pièces de la célèbre démo qui paraîtra plus tard en disque sous les titres Rock Generation, Jet Propelled Photographs, At The Beginning, etc., et des titres qui atterriront sur le premier album officiel de SOFT MACHINE, avec deux raretés : outre le déjà-nommé Disorganisation, une pièce instrumentale, Bossa Nova Express, basée sur des accords de la célèbre chanson May I ? de Kevin AYERS.
Les bandes masters n’ayant pu être exploitées en intégralité (du fait d’une dégradation sonore croissante sur les voix), le set du concert au Middle Earth a été complété par deux morceaux tirés d’un concert au Roundhouse en mai 1968 (l’occasion nous est ainsi donnée de comparer deux versions de I Should’ve Known jouées à quelques mois d’intervalle), plus un morceau (A Certain Kind) enregistré dans un studio français en octobre 1967. Sans être tout à fait complet, le contenu de Middle Earth Masters restitue dans l’ensemble la set-list jouée par le trio à cette période.
Les versions live présentées dans ce CD dépassent évidemment en folie, en excès sonores et en déviances instrumentales les versions studio, et c’est bien tout ce qui en fait le sel. Les amateurs de climats complètement « freak out » s’en délecteront grandement et à juste raison, mais ceux qui ne connaissaient de SOFT MACHINE que ses avatars postérieurs risquent de tirer une sacrée tronche. Allez, il n’est jamais trop tard pour se dévergonder les esgourdes !
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