Mop Meuchiine Plays
Robert Wyatt
2010

Robert Wyatt

   
 


 
CITIZEN JAZZ - 18 octobre 2010

Mop Meuchiine plays Robert Wyatt
Le Chant du Monde

Denis Desassis

 

P. Maupeu (gt, bj), J.-B. Réhault (bs, saxhorn, acc), H. Vincent (cello), C. Piromalli (p, kb), N. Le Moullec (b, voix), B. Hurault (dr, elec)

La musique de Robert Wyatt constituerait-elle à elle seule un univers qu’on peut explorer indéfiniment ? On serait tenté de le croire, surtout de ce côté-ci de la Manche, où les hommages se succèdent avec un légitime respect mêlé de beaucoup d’imagination et d’originalité. Wyatt est bien vivant et pourtant, on le célèbre à intervalles réguliers, on lui érige de belles statues musicales comme on le ferait d’un génie disparu. Il y a quelques mois seulement, par exemple [1], Daniel Yvinec faisait graviter les dix musiciens-funambules de l’ONJ autour du répertoire [2] de l’illustre batteur mais aussi chanteur des premières années de Soft Machine et du très créatif Matching Mole. Robert Wyatt, artiste extérieur à toutes les classifications, brisé dans son élan, au début des années 70, par une chute qui le priva de l’usage de ses jambes. Depuis ce fatidique moment, Wyatt le sage assis nous fait parvenir de ses nouvelles, à intervalles plutôt irréguliers, sous la forme de disques mystérieusement enchanteurs, souvent minimalistes et toujours empreints d’un humanisme, à l’image de son engagement politique de citoyen du monde.

Et voici qu’une bande de jeunes Français vient en découdre sur ce même terrain qui, riche et propice aux inventions, n’en est pas moins glissant. L’hommage a ses vertus, mais comporte des risques. Celui de l’effacement derrière la forte personnalité d’un artiste d’exception, mais aussi celui d’un trop grand respect interdisant toute prise de risque. Or, avec Mop Meuchiine Plays Robert Wyatt, on est très loin de toute tiédeur. Mop Meuchiine, créé par le guitariste Pascal Maupeu [3] se paie en effet le luxe d’une lecture culottée du répertoire de Wyatt, dont il s’affranchit avec un esprit libertaire des plus réjouissants. Ses six musiciens, tous de haut niveau et très ouverts à l’expérimentation – des collègues et néanmoins amis avec lesquels il a partagé diverses aventures [sic] – n’hésitent pas à démultiplier les climats, y compris au cœur d’une même composition, et savent alterner, sans jamais donner l’impression de ruptures artificielles, des instants de sérénité avec d’autres, plus violents, voire assourdissants, richement dosés en électricité, émaillés de nombreuses surprises en provenance de l’électronique ou du mariage réussi d’instruments comme le banjo, l’accordéon ou le violoncelle. Mop Meuchiine pratique avec bonheur l’art de la montée en puissance et de la scansion, donnant à sa musique une force et des couleurs qui en font une réussite.

Pour mener à bien cet hommage, Mop Meuchiine est allé puiser à la source de plusieurs albums-phares de Wyatt : l’incontournable Rock Bottom (1974) bien sûr [4], pour une version choc de « Sea Song » qui s’avère d’emblée un des sommets du disque. Quelques notes de piano légères, égrenées sur un écrin de bruitages électroniques, puis s’installe très vite une atmosphère surchargée d’électricité avant que Jean-Baptiste Réhault ne nous tire des larmes par un impressionnant chorus de saxophone baryton. Juste avant un final assourdissant, d’orage sonore qui ne trouve un exutoire que dans son enchaînement avec un « Instant Pussy » [5] tout en finesse où se conjuguent la guitare de Maupeu et l’accordéon de Réhault. Mop Meuchiine rend ensuite une double visite à l’album de Wyatt Old Rottenhat (1985) avec « British Road » et « Gharbzadegi », nouvelle occasion d’assister à une déconstruction-reconstruction qui respire l’intelligence inventive. L’association de l’accordéon et du violoncelle d’Hugues Vincent sur « British Road » ajoute à la palette d’un disque déjà riche en couleurs. Derrière gronde la basse de Nicolas Le Moullec, qui offre une aire de jeu aux claviers de Cédric Piromalli, et la reprise d’« I’m A Believer » [6], elle aussi insolente de vitalité, passe de la brit pop à un rock presque heavy metal martelé par la batterie de Bertrand Hurault, pour se fracasser en un final très free où le piano fait planer l’ombre de Cecil Taylor.

Mop Meuchiine Plays Robert Wyatt, qui met aussi à l’honneur des reprises extraites de Comic Opera (2007), du très sous-estimé Ruth Is Stranger Than Richard (1975), mais propose aussi une version de « Calyx » qui figurait en 1974 sur le premier album du groupe Hatfield & The North, digne héritier de l’Ecole de Canterbury, renferme beaucoup de promesses par sa vitalité virtuose mise au service d’une imagination débridée. C’est le meilleur hommage qu’on puisse rendre à la musique de Robert Wyatt.

[1] Citons aussi le Dondestan - The Wyatt Project de Sylvain Kassap, John Greaves, Hélène Labarrière, Jacques Mahieux, Karen Mantler et Dominique Pifarély mais aussi, Outre-Manche cette fois, le Soup Songs d’Annie Whitehead.

[2] Around Robert Wyatt, Beejazz, 2009.

[3] Fidèle à l’humour du grand Robert, qui baptisa son groupe Matching Mole en quittant Soft Machine, Pascal Maupeu lui lance un clin d’œil amical en appelant son groupe Mop Meuchiine, une appellation générique qu’on retrouve aussi dans son duo Shampoo Meuchiine.

[4] Un disque qui apparaît aujourd’hui comme fondateur de l’œuvre.

[5] Sur le premier album de Matching Mole (1972).

[6] Elle-même étant une reprise (1974) des Monkees.






 
REVUE & CORRIGÉE - N° 87 - mars 2011

Mop Meuchiine plays Robert Wyatt
Le Chant du Monde 274 869 Dist. Harmonia Mundi

Paul-Yves Bourand

 

Manifestement accomodé à toute les sauces, le grand Robert! Emmené par Pascal Maupeu, MOP MEUCHIINE - sextette électrique issu de la région orléanaise - a non seulement le bon goût de lui rendre hommage, mais aussi de donner des couleurs parfois inusitées au répertoire que s'est constitué le barbu de Louth (par exemple banjo et accordéon dans "The British Road"). De l'énergie, les lascars en ont, "Gharbzadegi" en est ainsi tout retourné. Puisant autant dans les albums classiques de Wyatt "Rock Bottom" et "Ruth Is Stranger...", que dans d'autres plus récents - "Old Rottenhat", "Comicopera" - mais aussi faisant un détour par Hatfield & The North (avec "Calix") et le tube de Neil Diamond "I'm A Believer", la plupart des interprétations données ici sont uniquement instrumentales. Outre le patron, - responsable des cordes frettées -, se font entendre: Jean-Baptiste Réhault (saxophone baryton, accordéon & saxhorn alto), Hugues Vincent (violoncelle), Cédric Piromalli (claviers), Bernard Hurault (batterie & électronique) et Nicolas Le Moullec (basse & chant) - qui s'en sort avec les honneurs côté vocal, en dépit de la différence de tessiture existant avec le registre du Maître. Quant à Wyatt lui-même, il apparaît trois fois sur ce disque: dans le standard a capella "Locomotive" (Thelonious Monk/P. Brown), puis deux extraits d'interviews.





 
       

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