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Eloge de Robert Wyatt - A Very Good Trip
 


  Eloge de Robert Wyatt
[Very Good Trip de Michka Assayas - 20 juin 2024]
 

Playlist

- Robert Wyatt - « Sea Song » album « Rock Bottom »
- The Soft Machine - « Dedicated to You, But You Weren’t  Listening » album « The
   Soft Machine Volume Two »
- Matching Mole - « O Caroline » album « Matching Mole »
- Matching Mole - « Signed Curtain » album « Matching Mole »
- Robert Wyatt - « Memories » album « EPs »
- Robert Wyatt - « Shipbuilding - Remastered in 1998 » album « EPs
- Robert Wyatt - « At Last I Am Free » album « Nothing Can Stop Us »
- Robert Wyatt - « Caimanera » album « Nothing Can Stop Us »
- Robert Wyatt - « The Age of Self » album « Different Every Time »
- Robert Wyatt
- Robert Wyatt - « Free Will and Testament » album « Shleep »
- Robert Wyatt - « Insensatez » album « Cuckooland »


Ce soir, nous avons rendez-vous avec une des voix les plus singulières et touchantes, j’espère que vous serez de mon avis, de ces soixante dernières années.

« Sea Song », la chanson de la mer, c’était, il y a cinquante ans tout juste, l’entrée en matière d’un album qui a été, j’en ai un souvenir très vivant, un des plus attendus d’une petite communauté d’auditeurs à laquelle, malgré mon jeune âge, quinze-seize ans, j’étais très fier d’appartenir. Un album signé par un musicien anglais du nom de Robert Wyatt, et intitulé Rock Bottom et publié, ainsi, à l’été 1974. La communauté dont je vous parle vénérait ce qu’on appelait entre nous la musique underground, qui venait d’Angleterre mais pas seulement. D’Allemagne aussi, on se passionnait pour des groupes qui avaient pour nom Amon Duul Zwei, Amon Duul Deux, on se prêtait, enfin quelques-uns dans mon lycée de la vallée de Chevreuse, des albums de Tangerine Dream ou de Popol Vüh. En France, il y avait un groupe qui s’appelait Gong, qui me fascinait, un groupe formé par un beatnik australien très farfelu du nom de Daevid Allen avec des musiciens français qui habitaient en communauté dans l’Yonne. Pour vous donner une idée de l’importance de ce courant, toutes ces musiques excentriques nous paraissaient alors bien plus importantes que Led Zeppelin ou même les Rolling Stones, que certains purs et durs, au rang desquels je prétendais me compter, considéraient comme, entre guillemets, commerciaux.

Et dans cette constellation, eh bien Rober Wyatt était une sorte de phare. Il s’était fait connaître comme batteur au sein d’un groupe qui s’appelait The Soft Machine, on disait simplement Soft Machine, d’après le titre d’un roman de l’écrivain beatnik américain William Burroughs que personne n’avait lu, évidemment, mais ça faisait bien de le savoir. J’avais pu découvrir Wyatt dans une émission destinée aux jeunes sur le gros téléviseur noir et blanc familial, c’était le tout début des années 70, à l’époque les images étaient très rares, surtout de cette musique-là, et j’avais été captivé. Il jouait torse nu, je crois bien, et sursautait sans cesse sur son tabouret, secouant sa longue tignasse. On voyait à peine sa tête, tellement il se penchait et même se couchait sur son instrument. On avait l’impression qu’il avait bien plus que deux bras, c’était comme une pieuvre humaine s’agitant au cœur d’une batterie. En fait, c’est simple : je voulais être lui. Wyatt était, à mes yeux, une sorte de copain idéal, génial. Il faisait de plus un truc que ne font pas généralement les batteurs. Il avait, fixé au milieu de sa batterie, un micro pour sa voix, il chantait des vocalises bizarres, d’une voix d’enfant qui n’avait pas mué, on ne savait pas s’il riait ou s’il pleurait, c’était entre les deux. Fascinant.

Wyatt s’est senti marginalisé au sein de Soft Machine, le claviers Mike Ratledge ayant apparemment pris ombrage de son charisme. Il est donc parti former son propre groupe, Matching Mole, la Taupe qui a trouvé sa pareille, un jeu de mots sur la traduction française de Soft Machine, la machine molle, bien sûr. C’était en 1971. Il a enregistré deux albums sous ce nom. Comment décrire sa musique ? Une sorte de jazz-rock psychédélique, très libre, la musique de Jimi Hendrix, qui venait de disparaître, était encore très présente, tout comme celle de Frank Zappa, autre héros de la musique underground, au centre de tout ce mouvement. Cela dit, ce qui distinguait Robert Wyatt, c’était sa voix et cette façon tout à fait unique de l’utiliser, comme un instrument de musique de sa propre invention. C’était déjà le cas au sein de Soft Machine, comme en témoigne cette chanson mémorable, un joyau extrait du deuxième album du groupe, paru à la fin de l’année 1969. Robert Wyatt avec Soft Machine, la chanson s’appelle « Dedicated to You, But You Weren’t Listening ».

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