Folly Bololey - Songs From Robert Wyatt's Rock Bottom
2019

North Sea Radio Orchestra - John Greaves - Annie Barbazza

   
 


 
CITIZENJAZZ.COM - 16 septembre 2019

Folly Bololey - Songs From Robert Wyatt's Rock Bottom
North Sea Radio Orchestra, John Greaves, Annie Barbazz- Label : Dark Companion

Denis Desassis

 

Ils ont osé, ils ont bien fait. On pensait que Rock Bottom, l’œuvre majeure de Robert Wyatt, était de ces disques intouchables qu’il semble présomptueux de reprendre à son propre compte. Le risque de contresens, voire de trahison est élevé en effet dès lors qu’on pense aux six compositions qui font de cet album un objet musical unique et très personnel. Pourtant, à l’écoute de Folly Bololey, c’est un sentiment de plénitude et de vrai plaisir qui vous gagne tant le travail entrepris par le North Sea Radio Orchestra touche à la perfection. Ses huit musiciens, qui reçoivent l’aide précieuse de John Greaves et Annie Barbazza, administrent la preuve de leur capacité à rester eux-mêmes sans jamais perdre de vue la ligne directrice de cette matrice mise au monde par celui qui jusque-là était batteur (Soft Machine, Matching Mole), avant qu’un accident le prive en 1973 de l’usage de ses deux jambes.

Car si la texture sonore est bien celle de l’orchestre auquel violon, violoncelle, clarinette et basson apportent une touche volontiers chambriste, son identité préservée va de pair avec une étonnante fidélité aux thèmes originaux. Annie Barbazza - dont le mentor fut Greg Lake - peut s’emparer avec une désarmante (et apparente) simplicité de « Sea Song », chanson emblématique de l’atmosphère aquatique de l’album. John Greaves (dont le parcours a souvent croisé celui de Wyatt, notamment à l’époque du groupe Henry Cow) parvient même à reprendre à son compte le rôle dévolu à Ivor Cutler et ses déclamations décalées (« Little Red Robin Hood Hit the Road »). La guitare de Craig Fortnam instille une tonalité plus rock, s’emparant parfois de la partition des cuivres (« Little Red Riding Hood Hit the Road »). Indépassable aussi la basse électrique de Hugh Hopper sur « Alifib », ici revue et corrigée pour le meilleur par les sonorités conjuguées du vibraphone de Tommaso Franguelli, de l’orgue Farfisa de William D. Drake et de l’alto de Laurent Valero.

Tout est juste dans ce disque exempt de la moindre faute de goût. Et parce qu’avec un tel projet, la forme aussi est essentielle, il faut souligner le somptueux packaging d’un vinyle bleu translucide et d’une pochette cartonnée riche de photographies et de toutes les paroles. Sans oublier l’inclusion d’un CD augmenté de quatre bonus tracks parmi lesquels figure une reprise de « O Caroline » (qui ouvrait le premier album de Matching Mole en 1972) chantée par un John Greaves presque crooner. Là aussi le danger guettait tant la version si émouvante Wyatt hérissait les poils : un péril vite écarté au prix d’une légère modification des paroles introductives (Ann is on Farfisa / And I will play the bass / North Sea Radio Orchestra will add a touch of grace), avec la tendre complicité des cordes et de l’orgue.

Paru au printemps dernier sur le label Dark Companion, Folly Bololey, Songs From Robert Wyatt’s Rock Bottom est une réussite totale. Ruez-vous dessus pendant qu’il est encore temps, car le tirage est limité. Ce serait bête de s’en priver !




 
       

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